ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième Chambre
Audience Publique du 27 janvier 2005
Pourvoi n° 050/2002/ PC du 16 septembre 2002
Affaire : DOKUI Eric
(Conseil : Maître KIGNIMA K. Charles, Avocat à la Cour)
Contre
LES INDUSTRIES MANUFACTURIERES
DU BOIS AFRICAIN S.A. dites LIMBA S.A.
(Conseil : Maître SYLLA Idrissa, Avocat à la Cour)
ARRET N°005/2005 du 27 janvier2005
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ( C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ( O.H.A.D.A ), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 27 janvier 2005 où étaient présents :
- Antoine Joachim OLIVEIRA, Président, rapporteur
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Boubacar DICKO, Juge
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi en date du 04 septembre 2002 enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°050/2002/PC du 16 septembre 2002 et formé par Maître KIGNIMA K. Charles, Avocat à la Cour, y demeurant, 17 Boulevard ROUME, résidence ROUME, 23 BP 1274 Abidjan 23, agissant au nom et pour le compte de Monsieur DOKUI Eric, dans une cause l’opposant aux INDUSTRIES MANUFACTURIERES DU BOIS AFRICAIN dites LIMBA S.A. ayant pour conseil Maître SYLLA Idrissa, Avocat à la Cour y demeurant, Abidjan – Plateau, rue du commerce, Immeuble NABIL, 01 B.P. 2150 Abidjan 01,en cassation de l’Ordonnance n°16/2002 rendue le 12 juillet 2002 par le Premier Président de la Cour d’appel de Bouaké au profit de ladite société et libellée comme suit :
« Nous, N’GNAORE Kouadio Antoine, Premier Président de la Cour d’appel de Bouaké ;
Vu la requête qui précède et les pièces y annexées ;
Vu les dispositions de l’article 181 nouveau du Code de Procédure Civile ;
Vu les réquisitions du Parquet Général en date du 9 juillet 2002 ;
Ordonnons la suspension de l’exécution du jugement N°71 du 25 avril 2002 du Tribunal de Travail de Bouaké ;
Disons qu’il nous en sera référé en cas de difficultés » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-Président ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu, selon les pièces du dossier de la procédure, que Monsieur DOKUI Eric a, sur autorisation à lui donnée par Ordonnance n° 28/2002 rendue le 15 mars 2002 par le Président de la Section du Tribunal de Tiassalé, pratiqué le 16 du même mois et de la même année, une saisie conservatoire sur des biens de la Société LIMBA. SA ; que par Jugement n°71 rendu le 25 avril 2002, signifié à la société saisie le 8 juillet 2002 par acte d’huissier intitulé “SIGNIFICATION-COMMANDEMENT” le Tribunal sus désigné a condamné celle-ci a lui payer diverses sommes d’argent et ordonné « l’exécution provisoire à raison du montant des arriérés de salaire à savoir 5.418.120 francs » ;
Que statuant à la requête de la Société LIMBA SA, le Président du Tribunal a, par Ordonnance n° 24 du 27 juin 2002, débouté celle-ci de toutes ses demandes tendant à l’annulation du procès-verbal et à la mainlevée de la saisie conservatoire ;
Que par Ordonnance n° 16/2002 du 12 juillet 2002 dont pourvoi, rendue sur requête de la Société LIMBA SA et signifiée à Monsieur DOKUI Eric le 17 juillet 2002 au moment où celui-ci « s’apprêtait » à notifier à la requérante l’acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie vente, le Président de la Cour d’appel de Bouaké a, par application des articles 180 et 181 du Code ivoirien de procédure civile commerciale et administrative, ordonné la suspension de l’exécution provisoire du jugement précité ;
Sur la nullité de la signification commandement du Jugement n°71 du 24 avril 2002 soulevée in limine litis par la défenderesse au pourvoi ;
Attendu que la demande en nullité de la signification commandement ne se rapporte ni à la compétence de la Cour de céans, ni à la recevabilité du pourvoi ; qu’il y a lieu en conséquence de la déclarer irrecevable ;
Sur le moyen unique
Vu les articles 32 et 69 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir violé l’article 32 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que le Président de la Cour d’appel de Bouaké, faisant application des articles « 180 et 181 » du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative, a ordonné la suspension de l’exécution du Jugement n° 71 du 25 avril 2002 du Tribunal du Travail de Bouaké demandée par voie de requête par la Société LIMBA SA, alors que ces « dispositions internes », qui sont contraires à l’article 32 de l’Acte uniforme susvisé selon lequel « A l’exception de l’adjudication des immeubles, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision. L’exécution est alors poursuivie aux risques du créancier, à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu’il y ait lieu de relever de faute de sa part », ne peuvent déroger à cette « norme supranationale » ainsi qu’il résulte de l’article 10 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique lequel dispose que « les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure » ;
Mais attendu que l’article 69 susvisé qui s’applique à la saisie conservatoire des biens meubles corporels dispose que : « Muni d’un titre exécutoire constatant l’existence de sa créance, le créancier signifie au débiteur un acte de conversion qui contient à peine de nullité :
1) les noms, prénoms et domiciles du saisi et du saisissant, ou, s’il s’agit de personnes morales, leur forme, dénomination et siège social ;
2) la référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;
3) une copie du titre exécutoire sauf si celui-ci a déjà été communiqué dans le procès verbal de saisie, auquel cas il est seulement mentionné ;
4) le décompte distinct des sommes à payer, en principal, frais et intérêts échus, ainsi que l’indication du taux des intérêts ;
5) un commandement d’avoir à payer cette somme dans un délai de huit jours, faute de quoi il sera procédé à la vente des biens saisis.
La conversion peut être signifiée dans l’acte portant signification du titre exécutoire.
Si la saisie a été effectuée entre les mains d’un tiers, une copie de l’acte de conversion est dénoncée à ce dernier. » ;
Attendu qu’il résulte de ce texte que la transformation de la procédure conservatoire en procédure d’exécution nécessite la signification par le créancier au débiteur d’un acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie vente ;
Attendu en l’espèce que Monsieur DOKUI Eric n’a pas produit d’exploit portant signification à la société LIMBA S.A. d’un acte de conversion prévu par l’article 69 susénoncé de l’Acte uniforme susvisé ; qu’à défaut de cet acte, la saisie litigieuse n’a pas atteint le stade de l’exécution ; qu’elle est demeurée une simple mesure conservatoire à laquelle ne s’applique pas l’article 32, prétendument violé de l’Acte uniforme susvisé, dont les dispositions régissent exclusivement les mesures d’exécution pratiquées en vertu d’un titre exécutoire par provision ; qu’en conséquence le pourvoi n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Attendu que DOKUI Eric ayant succombé, doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare irrecevable la demande de nullité de l’exploit de SIGNIFICATION-COMMANDEMENT du Jugement n°71 du 25 avril 2002 du Tribunal du travail de Bouaké ;
Rejette le pourvoi formé par Monsieur DOKUI Eric ;
Le condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier