Sous la direction de Lily, une femme brillante et ambitieuse, la filiale camerounaise de la OilCo, une multinationale pétrolière est tombée dans un gouffre de malversation financière d’une envergure insondable. Ce qui semblait être une réussite éclatante au départ, s’est rapidement transformé en l’espace de deux décennies en une spirale de fraude, de corruption et de dévastation. L’histoire se déroule comme une tragédie lente, une histoire de pouvoir, de cupidité et d’illusion.

Lily, la dirigeante, une femme dans la petite cinquantaine, surqualifiée, habile et manipulatrice, a vu dans le pétrole un moyen de remplir ses poches et de se maintenir au sommet. Ce qui a commencé comme une série de décisions douteuses a rapidement dégénéré en un véritable réseau de fraude. La manœuvre était subtile, mais l’ampleur des dégâts, dévastatrice.

Fraude sur les revenus pétroliers :
Lily n’a pas seulement géré une entreprise pétrolière, elle a monté une machine de manipulation complexe, tissée dans des recoins sombres du marché mondial. En orchestrant des contrats d’exportation falsifiés, elle a mis en place des sociétés-écrans en Belgique, en Suisse et ailleurs, pour vendre le pétrole camerounais à des prix ridiculement bas, sous-évaluant ainsi la valeur réelle du brut. Ce pétrole, une richesse inestimable, est alors expédié à l’étranger, et les recettes qui auraient dû profiter à l’État camerounais se sont égarées dans des comptes offshore bien protégés. Des millions, voire des milliards, ont été volés, dissimulés sous des transactions fantômes. L’argent aurait dû nourrir l’économie locale, mais a plutôt été englouti dans un océan de corruption.

Manipulation des transferts de devises :
Lily ne s’est pas arrêtée là. Bien loin de se contenter de voler directement dans les coffres publics, elle a eu l’idée diabolique, tout comme d’autres grands patrons de compagnies pétrolières opérant dans la sous-région, de manipuler le marché des devises. En utilisant ses sociétés-écrans, elle a commencé à déplacer les devises générées par l’exportation, envoyant des milliards de FCFA vers l’étranger. Les entreprises locales ont commencé à manquer de liquidités pour acheter des produits importés essentiels, les prix ont monté en flèche et le pays a plongé dans une crise de liquidité. La situation s’est dégradée : la monnaie locale a chuté, le gouvernement a réagi trop tard, et Lily observait, de son bureau, la destruction qu’elle avait déclenchée sous les recommandations de la maison-mère, tout en se gavant des fruits de son empire de l’ombre.

Blanchiment d’argent :
Les fonds ne pouvaient pas simplement être laissés là, dans l’ombre des comptes offshore. Lily, avec une froide précision, a orchestré un réseau de blanchiment en s’entourant de complices dans l’immobilier, des entreprises à la façade propre, pour nettoyer les gains illicites. Ces avoirs ont été transférés d’une société fictive à une autre, sous des couches de transactions légales qui cachaient soigneusement la vérité.

Corruption et détournement de fonds publics :
Pour maintenir ce mécanisme frauduleux en place, Lily a dû s’assurer de l’allégeance de ceux qui pouvaient fermer les yeux sur ses actes. Des pots-de-vin ont circulé sous forme de virements bancaires déguisés, vers des fonctionnaires du ministère des Finances et de la Banque centrale. Ces fonctionnaires, eux aussi corrompus, ont fermé les yeux sur les rapports financiers falsifiés. Des échanges sous la table, des accords secrètement signés ont permis à Lily de continuer ses activités pendant des années, sans que la justice n’intervienne.

Pendant ce temps, les rapports financiers de l’entreprise ont été façonnés comme des œuvres d’art. Falsification des états financiers, surévaluation des revenus, sous-estimation des dépenses – tout cela a été fait dans le but de maintenir une image de stabilité et de succès. Les auditeurs externes, mis sous pression ou directement achetés, ont validé des bilans qui n’avaient aucune ressemblance avec la réalité. Les résultats financiers n’étaient rien d’autre que des illusions, des rêves confortables pour les investisseurs et la classe dirigeante, tandis que la réalité économique s’effondrait lentement sous le poids des mensonges.

Impact sur l’économie locale et régionale :
Mais le plus grave résidait dans l’impact que les décisions de Lily et des autres patrons du secteur a eu sur l’économie du Cameroun. Le pays s’est retrouvé dans une crise systémique, frappé par une pénurie de devises. Les prix ont explosé, les biens essentiels se sont faits rares. Les entreprises locales ont fermé les unes après les autres, incapables de faire face à la pénurie de liquidités et à l’augmentation des coûts. Le chômage a grimpé, l’inflation est devenue galopante. Et Lily, bien que consciente de la dévastation qu’elle avait causée au fil des années, n’a cessé d’augmenter ses bénéfices personnels, en lâchant quelques miettes aux locaux pour garder l’illusion de la stabilité.

La pseudo-conclusion :
Nous sommes désormais en 2035. Ce n’est qu’à la suite d’enquêtes menées par des auditeurs internationaux et de dénonciations internes que le scandale a éclaté. Les failles dans la régulation et la surveillance bancaire et fiscale sont devenues évidentes. Ce qu’elle avait soigneusement camouflé pendant des années, dans des comptes secrets et des transactions occultes, a fini par éclater au grand jour, exposant non seulement son système de corruption à grande échelle, mais aussi les lacunes profondes dans les institutions gouvernementales et financières du Cameroun.

Dans ce climat de méfiance et de désespoir, Lily, elle, attend son heure. Mais la corruption a un prix. Et dans ce cas, le prix n’est pas seulement financier, mais humain. L’histoire de cette malversation n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, un avertissement sur les dangers d’une gouvernance trop laxiste, et sur les tragiques conséquences des abus de pouvoir.

“La folie est une tentative pour résoudre un conflit interne, mais à travers des moyens irrationnels.”

Sigmund Freud (extrait de L’homme Moïse et la religion monothéiste)

 

Le système de Lily, bien que machiavélique et méticuleusement élaboré, n’était pas exempt de vices internes. C’était une entreprise de malversations si systématiques qu’elle en devenait presque une créature vivante, une entité gangrenée de l’intérieur, une machine bien huilée qui ne s’arrêtait que lorsqu’elle était confrontée à l’inéluctable. Si l’on devait imaginer cette entreprise sous un autre angle, un angle plus humain, plus brutal, plus anthropomorphique, elle serait celle d’un malade mental, perdue dans ses propres délires, incapable de discerner la frontière entre la vérité et ses illusions tordues de pouvoir.

Appliquons maintenant un prisme psychologique à cette entité pour en dévoiler les dysfonctionnements internes. Ce n’est pas qu’une simple question de comptabilité ou de bilans falsifiés. Non, c’est bien plus. OilCo, sous la direction de Lily, souffre de pathologies bien spécifiques. Elle est rongée par des troubles mentaux que l’on pourrait, à juste titre, qualifier de cancer économique, une monstruosité cultivée et cachée dans l’ombre des chiffres. Un jeu morbide entre mensonge, manipulation et déni.

Dans le cadre d’une analyse juridique et psychologique de l’entreprise dirigée par Lily, une approche analogue pourrait être utilisée en la qualifiant comme une entité morale souffrant de diverses “pathologies” dans ses pratiques de gestion et de malversation.

Pour rappel l’article 74-1 du Code Pénal Camerounais au sujet de la responsabilité pénale des personnes morales dispose que :

« (a) les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. (…)

(c) la responsabilité pénale des personnes physiques, auteurs des actes incriminés, peut se cumuler avec celle des personnes morales. »

L’article 78 qui traite de la démence poursuit en précisant que :

  • la responsabilité pénale ne peut résulter du fait d’un individu atteint d’une maladie mentale telle que sa volonté a été abolie ou qu’il n’a pu avoir conscience du caractère répréhensible de son acte.
  • Au cas où la démence n’est pas totale, elle constitue une excuse atténuante.

L’article 74-1 du Code Pénal Camerounais consacre un principe fondamental en matière de responsabilité pénale des personnes morales, en posant que ces dernières peuvent être responsables des infractions commises par leurs organes ou représentants. Ce texte reconnaît donc une forme de « responsabilité propre » aux entités juridiques, ce qui soulève d’emblée la question de savoir jusqu’à quel point une entreprise ou une organisation peut être vue comme responsable au même titre qu’une personne physique.

La référence à l’article 78 concernant la démence est particulièrement intéressante, car elle met en lumière un aspect crucial de la responsabilité pénale : l’intention criminelle et la conscience de la répréhension, la mauvaise foi. La démence, dans ce contexte, est une cause d’exonération de la responsabilité pénale, en ce sens qu’une personne atteinte d’une maladie mentale ne peut être tenue responsable d’un acte répréhensible si sa volonté a été abolie ou si elle n’a pas eu conscience de la nature criminelle de son comportement.

La démence et ses effets sur la responsabilité pénale des personnes physiques

La démence, au sens de l’article 78, est une défense efficace. Elle permet de disculper l’auteur d’un crime ou d’un délit lorsqu’il est prouvé que l’individu ne possédait ni la capacité de discernement ni la faculté de contrôle de ses actes au moment de la commission de l’infraction. Cette « abolition de la volonté » empêche toute culpabilité en raison de l’incapacité de comprendre ou de choisir librement ses actions.

Il est également précisé qu’une démence partielle constitue une excuse atténuante, ce qui implique qu’une personne, tout en étant en partie responsable de ses actes, peut bénéficier d’une réduction de la peine en raison de son état mental altéré. L’idée est que la santé mentale peut affecter la capacité à faire des choix rationnels, rendant certains comportements moins répréhensibles ou, du moins, méritant une considération plus indulgente.

Pourquoi la démence ne s’applique-t-elle pas à une personne morale ?

La notion de démence est intrinsèquement liée à la capacité de conscience et de contrôle de soi, deux caractéristiques propres aux êtres humains. Un individu, qu’il soit sain d’esprit ou malade, possède un ensemble de facultés mentales et une subjectivité permettant de prendre conscience de ses actes et de les choisir. En revanche, une personne morale, qu’il s’agisse d’une entreprise ou d’une organisation, n’a pas de conscience propre ni de facultés psychologiques : elle n’est pas dotée d’une psyché humaine, mais est une abstraction juridique. Une entreprise, par définition, est un ensemble d’actes, de contrats, de décisions et de stratégies dictées par des individus en fonction de leurs intérêts collectifs et commerciaux.

L’absence de psyché chez une personne morale fait qu’il est impossible de lui appliquer une cause d’exonération telle que la démence. Par conséquent, dans l’univers juridique actuel, une société ne peut pas être « malade » au sens où une personne physique pourrait l’être. Elle est responsable de ses actes, peu importe les circonstances, à moins qu’il n’y ait une défaillance procédurale ou une autre cause juridique qui l’exonère.

L’exercice d’appliquer la démence à une entreprise : une hypothèse parallèle

Mais si, dans un monde parallèle où les entreprises étaient dotées d’une psyché et d’une conscience collective, il serait possible de les voir comme des entités susceptibles d’être affectées par des « pathologies » influençant leur comportement ? Cette réflexion peut permettre une métaphore juridique intéressante, où les entreprises pourraient être perçues comme des entités capables de dysfonctionnements systémiques ayant des effets comparables à des maladies mentales humaines.

Dans le cas de l’entreprise de Lily, dirigée par une personnalité avide et carriériste, on pourrait imaginer que la société subit une dérégulation de ses processus internes semblable à un trouble mental. À travers l’analogie de la démence ou d’autres pathologies comportementales, l’entreprise pourrait être perçue comme opérant sous une forme d’”irrationalité systématique”, où les actes frauduleux sont le produit d’une série de décisions prises sous l’influence d’une psychologie déviée.

Bien que la démence ne soit pas applicable à une personne morale, ce raisonnement, par son côté métaphorique, permet d’illustrer une vision peu commune de la responsabilité des entreprises.

Imaginons que l’entreprise, en tant qu’entité juridique, soit comparée à un être humain, doté d’une psyché qui se forme, se développe et réagit aux stimuli externes tout comme une personne vivante. Cette analogie, bien que métaphorique, permet de comprendre les dynamiques internes d’une organisation, la manière dont elle interagit avec son environnement et comment ses décisions influencent son évolution et sa survie dans un monde complexe.

Le système nerveux de l’entreprise : Le personnel et ses départements

À l’instar du corps humain, où le système nerveux est chargé de recevoir, de traiter et de transmettre des informations à travers le cerveau, l’entreprise repose sur des structures organisationnelles qui permettent de capter et de réagir à l’information, tout en prenant des décisions stratégiques. Les neurones dans cette analogie représentent les employés et les départements de l’entreprise. Chaque membre du personnel, avec ses compétences et sa spécialisation, joue un rôle dans la réception et la transmission de l’information. Les départements comme le marketing, la finance, la production et la R&D sont les neurones qui, ensemble, créent une réflexion collective permettant à l’entreprise de fonctionner.

Lorsque l’un de ces départements (ou neurones) rencontre un dysfonctionnement, comme un manque de coordination ou de communication avec les autres départements, cela peut entraîner des troubles de l’information, un peu comme lorsqu’un nerf dans le corps humain est endommagé, ce qui perturbe l’ensemble du système. Par exemple, un dysfonctionnement dans le département des ressources humaines peut affecter l’ensemble de l’entreprise en générant une détérioration de la motivation des employés, tout comme une lésion dans une partie du cerveau humain affecte l’ensemble du corps.

Le cerveau de l’entreprise : La direction et le comité exécutif

Le cerveau humain, siège de la pensée, de la décision et de la stratégie, se retrouve dans l’entreprise à travers ses décideurs et son comité exécutif. Ces dirigeants, à l’instar du cerveau, analysent les informations provenant des départements (neurones), prennent des décisions stratégiques et orientent les actions de l’entreprise dans la bonne direction. Ils sont les commandants du système, capables de réagir à des stimuli extérieurs (marché, concurrence, réglementation) et d’adapter l’entreprise à son environnement.

Tout comme le cerveau humain peut être affecté par des déséquilibres chimiques (comme dans les troubles mentaux), une mauvaise gestion, un leadership défaillant ou une vision d’entreprise déséquilibrée peut entraîner une psychose organisationnelle, une désorientation stratégique qui mène à des erreurs fatales. L’absence de clarté dans la vision stratégique peut perturber la capacité de l’entreprise à réagir de manière appropriée aux challenges du marché, la rendant vulnérable à des crises financières ou à des désaccords internes.

Le système sanguin : Les flux financiers

Dans le corps humain, le système circulatoire est responsable de l’acheminement des nutriments et de l’oxygène nécessaires à la survie des cellules, et de l’évacuation des déchets métaboliques. De même, dans une entreprise, les flux financiers jouent un rôle central : ils assurent le bon fonctionnement de l’entreprise en permettant aux départements de fonctionner, de rémunérer les employés et d’investir dans les projets de croissance.

Les flux financiers peuvent être considérés comme le sang de l’entreprise, vital pour sa survie. Quand l’entreprise manque de liquidités (ou de “sang”), cela peut créer des tensions internes, un manque de réactivité et, à terme, la paralysie des opérations. De plus, comme dans le corps humain où une mauvaise circulation sanguine peut entraîner des problèmes de santé graves, un mauvais contrôle des flux financiers peut mener à des problèmes de solvabilité, d’endettement excessif ou de fraude. À l’image d’un caillot sanguin qui bloque un vaisseau, une gestion financière inefficace ou un détournement de fonds peut stopper net l’activité de l’entreprise. OilCo pour sa part a su vivre pendant des décennies avec de multiples caillots dans son système circulatoire.

Le système immunitaire : La culture d’entreprise et les valeurs éthiques

Dans le corps humain, le système immunitaire est responsable de la protection contre les agents pathogènes et de la défense contre les infections. Dans l’entreprise, cette fonction est remplie par sa culture organisationnelle, ses valeurs éthiques, et ses politiques de conformité. Si le système immunitaire humain est affaibli, l’individu devient vulnérable aux maladies. De même, une culture d’entreprise défaillante ou une absence de règles éthiques solides expose l’entreprise à des comportements déviants tels que la fraude, les abus de pouvoir ou l’exploitation illégale des ressources.

Quand la culture interne de l’entreprise n’est pas suffisamment résiliente ou sécurisée contre les pratiques immorales, l’entreprise se trouve vulnérable à des malversations et des violations de la loi. L’absence de surveillance interne et de contrôles efficaces peut permettre à des individus malintentionnés de commettre des actes criminels sous le couvert de l’organisation, semblable à un organisme dont le système immunitaire ne parvient pas à lutter contre une infection à l’instar de cette très chère Lily.

Le système digestif : La gestion des ressources humaines

Le système digestif, qui transforme les aliments en énergie, peut être aussi comparé à la gestion des ressources humaines dans l’entreprise. Les employés, tout comme les nutriments nécessaires à l’organisme, sont essentiels à la production de la richesse de l’entreprise. Si la gestion des ressources humaines est déficiente (exploitation, mauvais traitements, gestion inégale des talents), l’entreprise sera incapable de transformer son potentiel en résultats. Cela crée un épuisement des ressources humaines, qui comme dans le cas d’un organisme humain mal nourri, perd en productivité et finit par entrer dans une phase d’épuisement.

Les hormones et neurotransmetteurs : Les communications internes et externes

Enfin, dans le corps humain, les hormones et les neurotransmetteurs régulent les émotions, l’humeur et la communication entre les différentes parties du corps. Dans l’entreprise, ces hormones peuvent être comparées aux mécanismes de communication internes et externes, tant à travers les canaux de communication formels que les relations informelles entre les collaborateurs, la direction et les parties prenantes. Lorsque ces communications sont défaillantes, les malentendus et les conflits internes s’accumulent, menaçant de perturber le bon fonctionnement de l’entreprise, tout comme une dérégulation hormonale dans le corps humain peut entraîner des troubles de l’humeur ou des comportements irrationnels.

Une entreprise en crise, un corps malade

L’analogie entre l’entreprise et le corps humain met en évidence les interdépendances et les répercussions systémiques au sein de l’organisation. Une entreprise, comme une personne, est un système complexe, avec des éléments internes (les employés, les départements, les valeurs, les ressources) qui doivent travailler en harmonie pour assurer son succès. Lorsqu’une partie de ce système tombe malade, que ce soit par des pratiques de gestion défectueuses, des décisions mal orientées ou un manque d’éthique, l’ensemble de l’entreprise en souffre. Si les dirigeants sont comme le cerveau, les employés comme les neurones, et les flux financiers comme le sang, alors l’organisation, tout comme le corps humain, peut développer des pathologies systémiques qui, si elles ne sont pas traitées à temps, peuvent mener à sa désintégration.

Ainsi, ce raisonnement offre une vision singulière de la responsabilité organisationnelle, suggérant que les malversations et autres dysfonctionnements d’une entreprise peuvent être perçus non seulement comme des actes criminels, mais aussi comme des pathologies systémiques à soigner pour restaurer l’équilibre et la santé de l’entreprise.

William S. Burroughs (extrait de The Place of Dead Roads) : “La vérité est plus étrange que la fiction, mais il n’en est pas moins vrai que nous devons vivre dans cette réalité, aussi cruelle et déformée soit-elle.”

 

Si nous considérons ces pratiques comme une forme de maladie ou de dysfonctionnement mental de l’entreprise, plusieurs pathologies pourraient être métaphoriquement attribuées à son comportement, chacune permettant de justifier ou d’atténuer la responsabilité de l’entité en cas de poursuites pénales. Progressons un peu plus loin dans nos projections :

1. Syndrome de la Main Étrangère (ou “Foreign Hand Syndrome”)

Dans cette situation, l’entreprise pourrait être perçue comme ayant agi sous l’influence de forces extérieures, telles que des sociétés écrans, des partenaires étrangers ou des consultants de mauvaise foi. Le syndrome de la main étrangère, en psychologie, désigne la sensation qu’une personne perd le contrôle de ses propres actions et qu’une “main étrangère” (souvent dans un sens métaphorique) intervient dans ses décisions. L’entreprise de Lily pourrait revendiquer cette “main étrangère” en soulignant que les actions frauduleuses ont été mises en œuvre par des acteurs externes, comme des intermédiaires ou des parties prenantes offshore, ce qui lui aurait permis de se dédouaner de la responsabilité directe des manipulations financières. L’entreprise pourrait ainsi prétendre qu’elle a été manipulée par des forces extérieures et que, en raison de cette influence, elle a agi contre ses propres intérêts sans en avoir conscience.

2. Syndrome de l’Imposteur

On pourrait également diagnostiquer un syndrome de l’imposteur à l’entreprise, sous la direction de Lily. Ce syndrome désigne une incapacité à reconnaître ses succès légitimes, ce qui mène à des comportements autodestructeurs ou frauduleux pour dissimuler son “faux” statut. L’entreprise pourrait arguer que, n’ayant jamais été pleinement convaincue de sa légitimité en tant qu’acteur majeur de l’industrie pétrolière, elle a recours à des pratiques malhonnêtes (fraude fiscale, manipulation des flux financiers) pour se maintenir dans la position de succès qu’elle estimait “inappropriée” ou “imméritée”. En d’autres termes, l’entreprise pourrait prétendre qu’elle a agi ainsi par crainte de “l’échec” et pour compenser une auto-évaluation négative de ses capacités et de son avenir économique. Elle pourrait même prétendre s’être autosaboter dans une ultime tentative de se soustraire à la pression causée par cette sensation irrationnelle d’imposture.

3. Kleptomanie

En tant que pathologie caractérisée par un besoin irrépressible de voler des biens, souvent sans intention de profit mais plutôt par impulsion, la kleptomanie pourrait être vue comme une métaphore des comportements de Lily et de son entreprise dans le cadre de la malversation. Les détournements de fonds, la falsification des rapports financiers, et l’accumulation des gains illégaux pourraient être interprétés comme une forme de kleptomanie institutionnelle, où l’entreprise semble incapable de s’empêcher de commettre des actes de vol ou de détournement, malgré les conséquences économiques désastreuses qu’ils génèrent. L’entreprise pourrait prétendre qu’elle a agi de manière compulsive, sans véritable intention de nuire, mais plutôt dans un acte de satisfaction de ses propres “besoins” financiers mal orientés.

4. Syndrome de Paris

Le syndrome de Paris est un trouble psychologique observé chez les personnes qui, après une expérience décevante en voyage, éprouvent un sentiment de choc, de désillusion, ou de confusion, particulièrement par rapport à leurs attentes culturelles. Appliqué à l’entreprise, ce syndrome pourrait être utilisé pour justifier le comportement de OilCo comme une réaction face aux attentes irréalistes qu’elle avait en matière de rentabilité et de succès sur le marché pétrolier. En d’autres termes, l’entreprise pourrait se défendre en arguant qu’elle a agi ainsi en raison d’une désillusion profonde par rapport à ses propres ambitions et à la réalité des coûts et des risques associés à l’exploitation pétrolière.

5. Trichotillomanie

La trichotillomanie, qui désigne l’envie irrépressible de s’arracher les cheveux, pourrait être utilisée comme une métaphore pour expliquer les comportements autodestructeurs de l’entreprise. Dans le cadre de l’entreprise de Lily, cette pathologie pourrait symboliser des actions impulsives et répétées menant à des malversations, telles que la falsification des rapports financiers ou les manipulations des prix des contrats d’approvisionnement. Ces comportements pourraient être vus comme des actes compulsifs, où l’entreprise agit contre ses propres intérêts à long terme dans un désir immédiat de “soulagement”, d’accumulation rapide de profits ou de renforcement de son image. Voilà ce qu’on pourrait qualifier de justifications pour le moins « tirée par les cheveux ».

6. Nécrophilie

La nécrophilie, en tant que fascination morbide pour les objets ou les cadavres, pourrait symboliser la manière dont OilCo s’est attachée à “exploiter” les ressources naturelles du pays sans se soucier des dommages environnementaux ou économiques à long terme. L’entreprise pourrait ainsi être vue comme n’ayant aucun scrupule à manipuler les rapports de production, exploiter les réserves pétrolières et gaspiller les ressources naturelles de manière abusive, tant que ces actions génèrent des profits à court terme. L’entreprise pourrait donc invoquer cette pathologie pour expliquer son engagement excessif dans des pratiques néfastes, ne se préoccupant que des gains immédiats sans considération pour les conséquences à long terme. Mettons-nous d’accord, cela ne pourra en aucun cas constituer une défense valide, même dans notre univers purement fictif.

7. Syndrome de Cotard

Le syndrome de Cotard est une forme de trouble psychotique dans lequel la personne affectée croit qu’elle est morte ou qu’une partie d’elle est morte. Appliqué à l’entreprise, ce syndrome pourrait être utilisé pour expliquer un état de déni ou de désillusion profonde. La OilCo pourrait prétendre qu’elle n’était pas pleinement consciente des conséquences de ses actes, et qu’elle a agi dans un état psychologique similaire à celui d’une “entreprise morte”, où elle ne reconnaît plus la réalité de ses propres actions et l’impact destructeur de ses malversations sur l’économie locale.

8. La déréalisation et la dépersonnalisation (sentiment de déconnexion de la réalité)

La déréalisation et la dépersonnalisation sont des troubles dissociatifs où une personne se sent déconnectée de la réalité ou se perçoit comme étant en dehors de son propre corps. La personne vit un détachement de son environnement ou de ses expériences, ce qui rend difficile de prendre des décisions rationnelles ou de se rendre compte de la gravité des actions.

Dans le cadre de l’entreprise de Lily l’analogie avec la déréalisation et la dépersonnalisation pourrait être utilisée pour décrire comment l’entreprise a agi comme si elle était déconnectée des réalités économiques et sociales du pays et de la sous-région. L’entreprise pourrait être perçue comme détachée des conséquences de ses actions, ignorante des effets de la fraude, de la manipulation des devises et de l’évasion fiscale sur l’économie locale, les communautés et l’environnement. En “dépersonnalisant” l’impact de ses actes, l’entreprise pourrait avoir agi comme si elle était une entité abstraite, séparée des réalités sociales et économiques qu’elle affecte.

L’entreprise pourrait faire valoir qu’elle n’était pas pleinement consciente des conséquences de ses actions, qu’elle a agi sous un état dissociatif où les effets réels de ses pratiques frauduleuses semblaient être irréels ou secondaires, justifiant ainsi ses comportements destructeurs.

9. Le trouble de la personnalité histrionique (besoin excessif d’attention et de validation)

Le trouble de la personnalité histrionique se caractérise par un besoin constant d’attention, une tendance à dramatiser les événements et à chercher à être au centre de l’attention, souvent à travers un comportement théâtral. L’analogie du trouble histrionique pourrait décrire la manière dont l’entreprise se met en avant pour maximiser ses bénéfices immédiats et son image publique tout en manipulant ses rapports financiers pour masquer la réalité de ses opérations. OilCo pourrait avoir créé une façade de succès, exagérant les réussites de l’entreprise dans ses rapports financiers tout en dissimulant les malversations internes. L’entreprise, en adoptant un comportement “théâtral”, chercherait à imposer son image d’entreprise prospère, tout en cachant les abus internes qui permettent d’alimenter cette apparente réussite. Le recours à des pratiques de fraude fiscale et d’évasion fiscale pourrait être vu comme une manière d’attirer davantage de ressources, de manipuler l’opinion publique et d’imposer l’image d’une entreprise invincible.

10. Le trouble dissociatif de l’identité (anciennement trouble de la personnalité multiple)

Le trouble dissociatif de l’identité se caractérise par la présence de deux ou plusieurs identités distinctes, chacune ayant son propre ensemble de comportements, souvenirs et perceptions.

L’analogie avec le trouble dissociatif de l’identité pourrait se traduire par une entreprise qui agit sous plusieurs identités parallèles, par exemple, en utilisant des sociétés-écrans ou des prête-noms pour dissimuler ses véritables opérations. L’entreprise pourrait avoir multiplié les entités juridiques pour masquer les flux financiers réels, se comportant de manière différente selon les circonstances et les exigences, pour manipuler les paiements, éviter les audits et dissimuler les actifs dans des structures complexes. Chaque “identité” correspondrait à une facette cachée de l’entreprise, permettant à OilCo de cacher les vraies intentions et actions de l’entreprise sous des couches de complexité.

Quelques-unes des personnalités multiples de l’entreprise de Lily :

  1. “OilCo” : L’entité principale qui supervise et coordonne les opérations. Elle est la façade visible et légale de la multinationale pétrolière. Elle reçoit les bénéfices de l’exploitation pétrolière au Cameroun.
  2. “PetroTrade Ltd.” société-écran qui joue le rôle de revendeur.
    • Localisation : Singapour ou Hong Kong.
  3. “GulfMid Trading” société-écran servant de “prête-nom” pour des investissements dans des infrastructures locales et des contrats publics, souvent avec des pots-de-vin ou des transactions cachées pour masquer les véritables propriétaires. Elle serait également impliquée dans l’importation de biens en devises étrangères afin de renforcer la pénurie de devises dans la région.
    • Localisation : Dubaï, où les réglementations sont plus souples pour les sociétés étrangères.
  4. “VentureX Cameroon” société qui semble être un partenaire local, mais qui en réalité, sert à dissimuler les bénéfices réalisés par “OilCo” au Cameroun. Elle servirait à camoufler des paiements frauduleux et à exploiter des contrats publics et des ressources naturelles sans que l’entreprise mère ne soit directement impliquée. Elle est impliquée dans le financement de faux projets de développement, comme des infrastructures publiques qui n’ont jamais été réalisées.
    • Localisation : Douala, Cameroun.
  5. “Transglobal Energy Ltd.” Une autre entité utilisée pour manipuler les flux de devises et pour transférer des fonds à des destinataires anonymes, souvent liés à des personnalités politiques ou des fonctionnaires corrompus. Elle permet de masquer les vraies sources de financement et de rendre les audits plus complexes.
    • Localisation : Suisse ou Luxembourg, réputées pour leurs pratiques bancaires opaques et la protection des informations bancaires.

11. Le trouble de la personnalité antisociale (psychopathie)

Le trouble de la personnalité antisociale, souvent associé à la psychopathie, est caractérisé par un mépris flagrant des droits des autres, une tendance à manipuler, tromper et utiliser les autres pour des gains personnels, et une incapacité à ressentir de la culpabilité ou des remords.

Dans le contexte de la OilCo le trouble de la personnalité antisociale s’applique parfaitement à une entreprise qui mène des pratiques frauduleuses, délibérées et sans remords, telles que la fraude fiscale, l’évasion des règles et l’exploitation des ressources de manière illégale. L’entreprise, aurait montré un mépris total pour les lois locales et internationales, manipulant les systèmes financiers, trompant les autorités fiscales et régulatrices, et exploitant les failles du système pour maximiser les profits au détriment de la société. L’entreprise agirait sans aucune conscience morale, simplement guidée par l’intérêt personnel de ses dirigeants, sans égard pour les dommages causés à l’économie, à la société, ou à l’environnement.

Cela n’est pas sans nous rappeler l’affaire bien réelle du Probo Koala qui est l’une des plus grandes catastrophes environnementales et sanitaires causées par une entreprise, avec des répercussions dramatiques sur la commune de Abidjan, en Côte d’Ivoire. Elle se déroule en 2006, lorsqu’un navire battant pavillon panaméen, le Probo Koala, transportant des déchets toxiques en provenance des Pays-Bas, déverse une partie de sa cargaison de déchets dans la ville d’Abidjan.

Le 19 août 2006, après avoir fait escale à Abidjan, le Probo Koala déverse illégalement, sous couvert d’une fausse déclaration, des produits chimiques hautement toxiques et nocifs pour l’environnement dans plusieurs sites de la capitale économique ivoirienne. Le déversement des déchets a été effectué par une société privée locale de gestion des déchets, après avoir été incité par la société néerlandaise Trafigura, propriétaire du Probo Koala.

Les conséquences ont été macabres et tragiques. La population d’Abidjan a immédiatement souffert de symptômes graves, allant des nausées, vomissements, douleurs abdominales, et jusqu’à des complications plus sévères comme des problèmes respiratoires et cutanés. Les autorités locales ont recensé 17 décès directs, bien que des rapports indépendants et des enquêtes aient suggéré que ce nombre pourrait être sous-évalué. Environ 100 000 personnes ont été exposées aux substances toxiques et plus de 30 000 ont dû être hospitalisées.

La contamination a également eu des effets durables sur l’environnement local. Les déchets ont pollué le sol, les nappes phréatiques, et ont eu des impacts écologiques majeurs sur la faune et la flore. La région a subi des destructions irréversibles des écosystèmes. L’image de la société Trafigura a été ternie, et les autorités ivoiriennes ont dénoncé le non-respect des normes internationales de sécurité et de déversement de déchets.

L’affaire du Probo Koala illustre une malversation d’entreprise où la négligence, le manque d’éthique et l’avidité ont conduit à une catastrophe macabre. De la même manière, l’entreprise de Lily, en tant qu’entité morale, exploite des ressources et manipule des flux financiers pour maximiser ses profits personnels, tout en sacrifiant la stabilité économique et environnementale de son pays. Un comportement typique de psychopathe.

12. Schizophrénie : Distorsion de la réalité, incohérence dans la gestion des affaires

La schizophrénie est un trouble mental qui provoque des distorsions dans la perception de la réalité, notamment des hallucinations, des délires et une pensée désorganisée. La personne atteinte de schizophrénie peut avoir du mal à distinguer le réel de l’imaginaire.

Le moins que l’on puisse dire c’est que la OilCo souffrait clairement d’une perception déformée de la réalité économique.

Selon Michel Foucault dans Histoire de la folie à l’âge classique, « La folie, c’est l’écart, c’est la rupture d’une cohérence de pensée ».

La folie est définie par une rupture dans la pensée cohérente, un écart par rapport à la rationalité. Dans un contexte d’entreprise, la rupture de cohérence dans la gouvernance ou la gestion financière pourrait effectivement constituer un cas de folie organisationnelle, où l’entreprise dévie de ses principes éthiques et financiers de manière à s’autodétruire tout en maintenant l’apparence de rationalité.

 

Avant de conclure notre petite (psych)analyse de l’esprit malade de la OilCo, il serait de bon ton de vous partager les expériences de pensée qui nous ont influencées dans notre réflexion.

L’Expérience de Pensée des Géants et du Cerveau Peuplé par les Humains

Cette expérience de pensée suggère un monde où des géants vivent sur une planète habitée uniquement par des créatures de proportions gigantesques, et où, à un moment donné, un géant atteint la fin de son existence cérébrale en raison de la mort de ses neurones. Afin de maintenir la fonction cognitive de ce géant, les humains, qu’on suppose ici comme des entités microscopiques, interviennent pour repeupler les neurones défaillants avec des copies humaines. En d’autres termes, les humains (ou des entités semblables à des humains) seraient insérés dans le cerveau de ce géant pour remplacer les neurones défaillants.

Ce concept rappelle l’idée du “Trolley Problem” et des réflexions sur la conscience dans des œuvres de Thomas Metzinger, un philosophe contemporain et auteur de “The Ego Tunnel”.  qui explore les frontières entre la conscience humaine et les entités intelligentes. Dans une perspective plus littéraire, il s’agit aussi d’une variation de l’expérience pensée de “The Ship of Theseus” où la question se pose sur l’identité d’un objet, ou dans ce cas, celle du géant : si les neurones du géant sont progressivement remplacés par des humains, l’identité du géant est-elle préservée ? Ou est-ce que ce cerveau de géant devient une entité distincte de son hôte d’origine ? Cela renvoie à des préoccupations contemporaines sur l’intelligence artificielle, l’autonomie des machines et la question de l’esprit.

L’expérience de pensée des géants soulève des questions sur le caractère de l’âme ou de la conscience. Si un géant est en train de mourir à petit feu de ses neurones, et que des humains, ou d’autres entités intellectuelles, prennent place dans son cerveau, la question devient : l’esprit du géant demeure-t-il intact, ou est-ce une nouvelle conscience qui émerge à partir de la combinaison des éléments humains dans son cerveau ?

L’expérience renvoie à des concepts de “continuum de la conscience” où l’identité personnelle ou l’esprit pourrait se voir modulée ou transformée par une combinaison d’éléments étrangers à l’individu original, mais toujours en interaction avec son système organique initial. Dans le cas de la OilCo, la question serait de savoir si l’entreprise a une conscience. Par principe nous répondrons par la négative mais tout est envisageable dans notre univers fictionnel.