ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Audience Publique du 19 juin 2003

Pourvoi n° 011/2002/PC du 28 mars 2002.

Affaire :  1°) Monsieur  DELPECH Gérard

      2°) Madame DELPECH Joëlle

            (Conseils : SCPA AHOUSSOU, KONAN & Associés, Avocats à la Cour)

           Contre

                      Société SOTACI

  (Conseils : Maîtres Théodore HOEGAH et Michel ETTE, Avocats à la Cour)                     

ARRET N° 010/2003 du  19 juin 2003

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ( C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ( O.H.A.D.A ) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 19 juin 2003 où étaient présents :

 

Messieurs      Seydou BA,                                 Président

Jacques M’BOSSO,                       Premier Vice-président

Antoine Joachim OLIVEIRA,            Second Vice-président

Doumssinrinmbaye BAHDJE,          Juge

Maïnassara MAIDAGI,                    Juge – rapporteur

 

et  Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;

 

Sur le pourvoi en date du 25 mars 2002, enregistré au greffe de la Cour de céans le 28 mars 2002 sous le n° 11/2002/PC, formé par la SCPA AHOUSSOU, KONAN & Associés, Avocats à la Cour, demeurant 19, Boulevard Angoulvant, résidence Neuilly, 1er étage, 01 BP 1366 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte des époux DELPECH, dans une cause les opposant à la Société SOTACI, ayant pour conseils Maîtres Théodore HOEGAH et Michel ETTE, Avocats Associés à la Cour, demeurant rue A7, Pierre Sémar, Villa NA2, 01 BP 4053 Abidjan 01,en cassation de l’Arrêt n° 456 rendu le 27 avril 2001 par la chambre civile et commerciale de la Cour d’appel d’Abidjan dont le dispositif est le suivant :

 

« En la forme :

 

  • Statuant publiquement, contradictoirement, en matière arbitrale, et en dernier ressort ;

 

  • Reçoit la Société SOTACI en sa procédure en annulation dirigée contre la sentence arbitrale en date du 27 avril 2000 ;

 

Au fond :

 

  • L’y dit partiellement fondée ;
  • Annule la sentence dont s’agit ;
  • Rejette la demande de la SOTACI tendant à l’évocation de l’affaire ;
  • Dit que les frais exposés par chacune des parties resteront à sa charge » ;

 

Les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure qu’aux termes d’une « convention de cession de titres » conclue à Abidjan, le 16 février 1998, les actionnaires de la Société de Transformation Industrielle de Lomé dite STIL, société de droit togolais dont le siège est à Lomé, tous représentés par Monsieur et Madame G. DELPECH, avaient cédé à la Société SOTACI la totalité des actions composant le capital social de la STIL ; que le prix global de cession des actions avait été arrêté à la somme de huit millions cinq cent mille (8 500 000) francs français soit huit cent cinquante millions (850 000 000) de francs CFA ; que les parties à la convention avaient décidé de déduire de ce montant, le passif net de la société provisoirement évalué à trois millions de francs français soit trois cent millions de francs CFA de sorte que le prix net d’acquisition des actions s’était élevé à la somme de cinq millions cinq cent mille (5 500 000) francs français soit cinq cent cinquante millions (550 000 000) de francs CFA ; que compte tenu du caractère provisoire de l’évaluation du passif net au moment de la signature de la convention, l’article 3.1 de ladite convention stipulait que « le prix net, ainsi que par voie de conséquence, les échéances stipulées sont susceptibles de variation en fonction de la situation réelle du passif au 28 février 1998 et qu’en cas de variation du passif, celle-ci modifiera en priorité les échéances le plus éloignées » ; qu’une fois la somme de cinq cent cinquante millions de francs CFA acquittée, les époux DELPECH avaient estimé que la Société SOTACI restait leur devoir encore la somme de cent millions deux cent neuf mille cent quatre-vingt neuf (100 209 189) francs CFA car selon eux, le passif net de la STIL, tel qu’il apparaissait au bilan établi le 28 février 1998 par le cabinet Afrique Audit et Consulting, s’élèverait à la somme de cent quatre vingt dix neuf millions sept cent quatre-vingt dix mille huit cent onze (199.790.811) francs CFA et qu’il conviendrait de déduire ce montant du passif net provisoirement arrêté au moment de la signature de la convention de cession à la somme de trois cent millions (300 000 000) de francs CFA ;

 

Attendu qu’après plusieurs rencontres infructueuses à l’effet de trouver une solution amiable à leur différend, les époux DELPECH avaient saisi la Chambre d’Arbitrage de Côte d’Ivoire dite CACI d’une demande d’arbitrage aux fins de voir condamner SOTACI à leur payer la somme de 100 209 189 F CFA à titre de complément de prix ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive ; que SOTACI avait pour sa part, sollicité à titre reconventionnel la condamnation des époux DELPECH à lui payer la somme principale de soixante trois millions neuf cent quatre vingt quatre mille cent quatre-vingt et un (63.984.181) francs CFA en application des dispositions de l’article 3.1 de la convention de cession de titres en raison de l’alourdissement du passif net qui s’établissait à trois cent soixante trois millions neuf cent quatre vingt quatre mille cent quatre vingt et un (363 984 181) francs CFA et non à trois cent millions (300 000 000) de francs CFA comme estimé dans la convention de cession du 16 février 1998 ;

 

Attendu que par sentence arbitrale n° CACI/02ARB/99 en date du 27 avril 2000, le tribunal arbitral a fait droit à la demande des époux DELPECH en condamnant SOTACI à :

 

  • 100 209 189 F CFA au titre de complément de prix de cession des actions de la Société STIL ;

 

  • 8 603 616 F CFA au titre des intérêts de retard conventionnels ;

 

  • 6 393 616 F CFA au titre de frais de procédure ;

 

Que sur recours en annulation formé par la Société SOTACI contre cette sentence arbitrale, la Cour d’appel d’Abidjan a rendu, le 27 avril 2001, l’Arrêt n°456, dont pourvoi ;

 

 

Sur le troisième moyen pris en sa première branche

 

Vu l’article 26 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage ;

 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué une violation ou une erreur dans l’application ou l’interprétation de l’article 26 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage en ce que la Cour d’appel a estimé que les arbitres ne se sont pas conformés à leur mission et qu’en application de l’article 26 de l’Acte uniforme sus-indiqué leur sentence encourt l’annulation aux motifs que les parties avaient confié aux arbitres une mission d’amiable compositeur et que suivant la jurisprudence de la Cour de cassation française acceptée par les parties, l’amiable compositeur a l’obligation de confronter les solutions légales à l’équité à peine de trahir la mission qui lui est confiée, alors que, selon les requérants, s’il est vrai que l’article 26 sus-indiqué prévoit que le recours en annulation est recevable si le tribunal a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée, encore faut-il, pour appliquer une telle disposition que la mission qui aurait été méconnue par le tribunal arbitral soit préalablement déterminée dans son étendue ; que toujours selon les mêmes requérants, pour ce faire, il faut se reporter à l’article 10 de la convention et rien qu’à cet article et sur ce point la Cour d’appel s’est manifestement trompée, rien dans cet article ne permettant d’affirmer que les parties ont accepté la « jurisprudence de la Cour de cassation française » sur l’amiable compositeur, « la Cour d’appel a manifestement tronqué l’article 10 pour les besoins de sa décision », de plus  la prise en compte intégrale de cet article impose de se référer d’une part à la disposition relative à l’amiable composition et d’autre part à la disposition relative à la loi applicable à la convention, l’interprétation de ces deux dispositions contractuelles ne permettant pas de dire que les arbitres avaient l’obligation de statuer en amiable compositeur ; que leur mission était de statuer selon la loi ivoirienne applicable à la convention, cette mission leur donnant aussi la faculté de statuer en amiable compositeur, mais une faculté n’étant pas une obligation ; qu’en statuant donc selon la loi ivoirienne et en ne décidant pas de statuer en amiable compositeur, le tribunal arbitral a par conséquent statué en se conformant à sa mission ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 26 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage « le recours en annulation n’est recevable que dans les cas suivants :

  • (… )
  • si le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui a été

confiée ;

  • (… ) »

 

Attendu que pour affirmer que « manifestement les arbitres ne se sont pas conformés à leur mission et en application de l’article 26 de l’Acte uniforme précité, leur sentence encourt l’annulation », la Cour d’appel s’est bornée à dire que « suivant l’article 10 de la convention des parties, tout différend les opposant sera soumis à la décision définitive de trois arbitres siégeant à Abidjan, et qui auront le pouvoir de statuer comme amiables compositeurs, en d’autres termes et suivant la jurisprudence de la Cour de cassation française, acceptée par les parties, l’amiable compositeur a l’obligation de confronter les solutions légales à l’équité, à peine de trahir la mission qui lui est confiée… que leur véritable mission en tant que professionnels de la comptabilité devait les amener à définir le « passif net », aucune indication n’étant fournie par les parties sur cette notion … ainsi, il résulte de ce qui précède , que manifestement les arbitres ne se sont pas conformés à leur mission… » alors qu’elle devait non seulement indiquer préalablement l’étendue de la mission des arbitres eu  égard notamment à la convention d’arbitrage mais également spécifier en quoi les arbitres ont failli à leur mission avant de tirer les conséquences ; qu’en ne le faisant pas, la Cour d’appel a fait une mauvaise application de l’article 26 de l’Acte uniforme sus-indiqué ; qu’en conséquence, il y a lieu de casser l’Arrêt n°456 rendu le 27 avril 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan et d’évoquer, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les autres moyens ;

 

Sur l’évocation

 

Attendu que par exploit en date du 06 juin 2000, la Société SOTACI, représentée par ADHAM KHALIL et ayant pour conseils Maîtres Théodore HOEGAH et Michel ETTE, Avocats  à la Cour, a initié une procédure d’annulation de la sentence arbitrale n°CACI/02ARB/99 en date du 27 avril 2000 dont le dispositif est ainsi conçu :

 

« les arbitres jugent que :

 

  • le passif net définitif de la Société STIL au 28 février 1998 s’élève à francs CFA 199 790 811 et que le complément de prix de cession à payer par la SOTACI aux époux DELPECH est de 100 209 189 F CFA.

 

  • les intérêts de retard conventionnels à payer par la SOTACI aux époux DELPECH en application de l’article 3.4 de la convention s’élèvent à F CFA 8 603 360.

 

Et condamnent la SOTACI à payer aux époux DELPECH

 

  • au principal la somme de 100 209 189 francs CFA au titre

du complément de prix de cession des actions de la société

STIL S.A ;

 

  • au titre des intérêts de retard conventionnels, la somme de

francs  CFA 8 603 360.

 

La condamnent également à rembourser aux époux DELPECH la somme de 6 393 616 francs CFA représentant les frais de la présente procédure exposés par ces derniers ».

 

Attendu qu’à l’appui de son action, la SOTACI soutient que les arbitres ont totalement méconnu les termes de la mission d’amiables compositeurs qui leur est confiée par l’article 10 alinéa 2 de la convention de cession de titres signée par les parties le 16 février 1998, repris au demeurant dans l’ « acte de mission » ; que l’arbitre qui statue en amiable compositeur est celui qui a reçu des parties le pouvoir de rendre sa décision en équité, à savoir que la sentence qu’il prononce doit être à la fois logique, cohérente, mais aussi conforme à la morale et en l’espèce à la morale des affaires ; que les arbitres désignés avaient, en l’espèce, pour mission essentielle de dire, en tant que professionnels de la comptabilité, ce qu’il convenait d’entendre par « passif net », les parties à la convention n’ayant donné aucune définition à cette notion ; que les arbitres, en affirmant qu’il résulte des échanges de correspondances intervenues entre les parties que le passif net de la société STIL, au 28 février 1998, correspond à son actif net à la même date, confondent les deux notions l’une étant l’inverse de l’autre ; qu’en déterminant le montant du reliquat du prix tel qu’ils l’ont fait à la page 9 de la sentence arbitrale, les arbitres ont dénaturé la convention des parties, notamment son article 3.1 et méconnu les règles d’évaluation d’une entreprise ;

 

Attendu qu’en plus de l’annulation de la sentence arbitrale, la Société SOTACI demande la condamnation des époux DELPECH à lui payer la somme de 63 984 181 F représentant un trop perçu au motif qu’une exacte application de l’article 3.1 de la convention des parties permet de chiffrer sur le plan comptable, la valeur de rachat de la société STIL après valorisation des actifs immobilisés, comme suit :

 

Valorisation des actifs immobilisés :……..  850 000 000 F

Actif circulant :……………………………  247 563 614 F

Total : ……………………………………. 1 097 563 614 F,

 

et en prenant en compte le passif total de 611 547 795 F, la valeur de rachat s’établit à 486 015 813 F, dégageant ainsi un trop payé de F CFA 63 984 181 car au moment de la signature de la convention, la situation financière de la société ne s’était pas améliorée au point d’amener la concluante au paiement de somme supplémentaire ;

 

Attendu que les époux DELPECH, défendeurs, demandent à la Cour de déclarer irrecevable le recours en annulation formé par la société SOTACI aux motifs, d’une part, que l’article 42 alinéa 2 de la loi 93-671 du 9 août 1993 relative à l’arbitrage ne règle plus la matière de l’arbitrage en COTE D’IVOIRE depuis l’avènement de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif à l’arbitrage notamment en application de son article 35 ; que c’est l’article 25 dudit Acte uniforme qui régit le recours en annulation formé par la société SOTACI  et qui donne le pouvoir aux parties d’exercer un recours en annulation mais ne stipule pas que les parties peuvent valablement y renoncer ; que les parties peuvent donc dans leur convention renoncer à ce recours et c’est ce qu’elles ont fait dans la convention de cession de titres et dans l’acte de mission en stipulant que la sentence ne sera susceptible d’aucun recours ; que mieux les parties se sont soumises au règlement de la CACI dont l’article 35 dispose que « la sentence arbitrale est définitive et revêt un caractère obligatoire pour les parties.

Celles-ci s’engagent, par leur adhésion au présent règlement, à l’exécuter sans délai, et sont réputés avoir renoncé à toutes les voies de recours auxquelles elles peuvent renoncer » et, d’autre part, qu’à propos de la mission des arbitres, l’article 10 de la convention de cession de titres, en disposant que les arbitres auront le pouvoir de statuer comme amiables compositeurs, ne donne auxdits arbitres qu’une faculté, une possibilité, ce qui ne signifie nullement qu’ils sont tenus d’évincer les règles de droit au profit de l’équité ; qu’enfin le recours à la clause d’amiable composition comporte un effet particulier à savoir la renonciation à l’appel et qu’en disant dans la convention que « la sentence n’est susceptible d’aucun recours », les parties visent exclusivement le recours en annulation ; que le recours en annulation exercé en violation des dispositions contractuelles excluant tout recours est irrecevable ; que par ailleurs les époux DELPECH contestent la compétence de la Cour d’appel et penchent plutôt pour la compétence du Tribunal de Première Instance ;

 

Attendu que par conclusions en réplique en date du 18 octobre 2000, la Société SOTACI fait remarquer que suivant l’article 25 de l’Acte uniforme, seule la Cour d’appel est compétente pour statuer en annulation, les Tribunaux ne rendant souvent pas de jugement en dernier ressort ; que la convention de cession de titre prévoyant la clause compromissoire ayant été établie en février 1998, donc avant l’entrée en vigueur du Traité OHADA relatif à l’arbitrage, seule la loi ivoirienne du 9 août 1993 relative à l’arbitrage lui est applicable ; que l’article 42 de cette loi précisant qu’ « un recours en annulation de l’acte qualifié de sentence arbitrale peut néanmoins être formé, malgré toute stipulation contraire », il en résulte que les parties ne peuvent valablement renoncer à cette voie de recours ; que du reste l’article 6 du code civil énonce que l’ « on ne renonce valablement qu’à un droit acquis et non à un droit futur » ; que statuer en amiable compositeur consiste à trancher le litige en équité et l’arbitre qui appliquerait strictement les règles de droit pourrait être sanctionné car suivant l’article 15 in fine de l’Acte uniforme, l’amiable composition pour un arbitre n’est pas un simple pouvoir, mais une véritable mission et que la jurisprudence française, produite par la partie adverse, précise que « l’amiable compositeur a l’obligation de confronter les solutions légales à l’équité, à peine de trahir la mission qui lui a été confiée » ; que non soumis à une règle unique pour trancher le litige, l’arbitre doit nécessairement recourir aux usages professionnels, rechercher un certain équilibre contractuel et solution juste et tel n’a pas été le cas en l’espèce, où les arbitres ont confondu les notions comptables ou financières d’actif net et de passif net, pour parvenir à la condamnation de la concluante à un complément de prix alors que la seule question à laquelle ils étaient tenus de répondre était celle de dire ce qu’il convient d’entendre au point de vue comptable ou financier par passif net ;

 

Attendu que par conclusions en duplique en date du 28 novembre 2000, les époux DELPECH reviennent sur quatre questions et, selon eux, de manière chronologique à savoir le fondement légal du recours en annulation, le juge compétent en matière du recours en annulation, la recevabilité du recours en annulation et les pouvoirs du juge du recours en annulation ; que sur le fondement du recours seul l’Acte uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de l’arbitrage est applicable puisque ayant remplacé la loi du 9 août 1993 relative à l’arbitrage ; que sur le juge compétent c’est l’article 25 alinéa 2 de l’Acte uniforme sus-indiqué qui régit la compétence dudit juge et non l’alinéa 3 du même article mais que cet alinéa 2 ne précisant pas quel est ce juge compétent, c’est l’article 5 du code ivoirien de procédure civile qui donne compétence au tribunal de Première Instance pour connaître d’un tel recours ; que sur la recevabilité du recours, l’article 10 de la convention de cession, le règlement d’arbitrage de la CACI et l’acte de mission confirment l’impossibilité de tout recours contre la sentence arbitrale ; que sur le pouvoir du juge compétent, il n’a pas le pouvoir de trancher le fond du litige s’il annule la sentence arbitrale, l’article 29 de l’Acte uniforme sus-indiqué le lui interdisant ;

 

Attendu que par conclusions en deuxième réplique en date du 26 décembre 2000, la SOTACI a, en réponse aux différents points abordés par les époux DELPECH dans leurs écritures du 28 novembre 2000, essayé de démontrer en quoi les arbitres n’ont pas respecté leur mission d’amiables compositeurs, en quoi la Cour d’appel est compétente pour connaître du recours en annulation, en quoi ledit recours est recevable par rapport au non respect, par les arbitres de leur mission et enfin en quoi elle n’a pas valablement renoncé au recours en annulation ;

 

Sur la compétence de la Cour d’appel

 

Attendu qu’aux termes de l’article 25 alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, « elle [la sentence arbitrale] peut faire l’objet d’un recours en annulation, qui doit être porté devant le juge compétent dans l’Etat partie » ; que l’Acte uniforme sus-indiqué ne précisant pas ledit juge compétent, il y a lieu de se reporter à la loi nationale de l’Etat partie concerné pour déterminer le juge devant  lequel le recours en annulation doit être porté ; qu’aux termes de l’article 44 de la loi ivoirienne n°93-671 du 09 août 1993 relative à l’arbitrage « l’appel et le recours en annulation sont portés devant la Cour d’appel dans le ressort de laquelle la sentence arbitrale a été rendue » ; qu’en l’espèce la sentence arbitrale ayant été rendue à Abidjan, c’est bien la Cour d’appel d’Abidjan qui était compétente pour connaître du recours en annulation ;

 

Sur la recevabilité du recours en annulation

 

Attendu qu’aux termes des articles 25 alinéa 2 et 35 alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, « elle [la sentence arbitrale] peut faire l’objet d’un recours en annulation qui doit être porté devant le juge compétent dans l’Etat partie » et « celui-ci [ l’Acte uniforme] n’est applicable qu’aux instances arbitrales nées après son entrée en vigueur » ; qu’en l’espèce c’est bien l’Acte uniforme sus-indiqué qui se trouve applicable à l’action engagée par la SOTACI le 27 décembre 1999 ;

 

Attendu qu’au moment de la signature de la convention de cession de titres par les parties, c’était la loi ivoirienne n°93-671 du 09 août 1993 relative à l’arbitrage qui était applicable, laquelle loi disposait en son article 42 que « lorsque, suivant les distinctions faites à l’article 40, les parties ont renoncé à l’appel, ou qu’elles ne se sont pas expressément réservées cette faculté dans la convention d’arbitrage, un recours en annulation de l’acte qualifié sentence peut, néanmoins, être formé malgré toute stipulation contraire » ; que la clause de renonciation à tout recours insérée par les parties dans la convention du 16 février 1998 doit être considérée comme non écrite en ce qui concerne le recours en annulation ; que le recours en annulation étant prévu par l’Acte uniforme sus-indiqué applicable en l’espèce, il y a lieu de déclarer recevable le recours en annulation introduit par la SOTACI ;

 

Sur le bien-fondé du recours en annulation

 

Attendu qu’aux termes de l’article 10 alinéa 3 de la convention de cession de titres signée par les parties, « à défaut de parvenir à [un] accord, le différend sera soumis à la décision définitive de trois arbitres siégeant à Abidjan et qui auront le pouvoir de statuer comme amiables compositeurs » ;

 

Attendu que pour condamner la SOTACI à payer aux époux DELPECH différentes sommes d’argent au titre de complément de prix de cession des actions, des intérêts de retard conventionnels et des frais de procédure, les arbitres ont retenu que « le problème de droit réside dans la question de savoir quel mode de détermination du passif net les parties se sont accordées et plus précisément si le passif net évoqué à l’article 3 de la convention correspond aux notions comptables d’actif net ou de besoin en fonds de roulement ; que ce problème est d’abord juridique avant d’être comptable ; qu’il s’agit ici d’appliquer les dispositions d’une convention ; que si le tribunal peut écarter l’application de certaines dispositions de la convention dans le cas où elles seraient contraires à l’ordre public, il ne se trouve pas en l’espèce dans cette situation car la définition du passif net n’est pas une disposition d’ordre public ; que pour la résolution de ce problème, le Tribunal se doit de rechercher d’abord dans la convention les éléments de réponse à la question posée, puis, dans le silence de la convention, il doit rechercher par tous les moyens la volonté des parties et enfin, si cette recherche est infructueuse, il doit appliquer les règles de détermination du passif net reconnues et acceptées par la profession comptable et/ou les analystes financiers » ; que les arbitres, qui s’étaient fondés sur des solutions légales pour régler le différend qui oppose la SOTACI et les époux DELPECH et qui n’avaient pas l’obligation, comme le soutient la SOTACI, de statuer uniquement en amiable compositeur, sont restés dans le cadre de la mission qui leur est confiée ; qu’il s’ensuit que la demande d’annulation de la sentence introduite par la SOTACI doit être rejetée ;

 

Sur la demande en paiement de la SOTACI

 

Attendu que la SOTACI demande, après annulation de la sentence arbitrale, de condamner les époux DELPECH à lui payer la somme de francs CFA 63 984 181 représentant, selon elle, un trop perçu en application de l’article 3.1 de la convention de cession des titres ;

 

Attendu que le recours en annulation de la sentence étant rejeté, il n’ y a pas lieu de statuer sur cette demande de la SOTACI ;

 

Attendu que la SOTACI ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n°456 du 27 avril 2001 rendu par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant et statuant à nouveau,

Déclare recevable, en la forme, le recours en annulation formé par la SOTACI ;

Rejette le recours en annulation de la sentence arbitrale n°CACI/02ARB/99 en date du 27 avril 2000 ;

Dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande de la SOTACI tendant à la condamnation des époux DELPECH au paiement d’un trop perçu de francs CFA 63 984 181 ;

Condamne la SOTACI aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

Le Président

 

Le Greffier en chef