ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Deuxième Chambre

ience publique du 08 décembre 2011

Pourvoi : n°041/2007/PC du 25 mai 2007

Affaire :   Société MAERSK COTE D’IVOIRE

           (Conseils : CD Cabinet Cheick DIOP, Avocats à la cour)

                                      contre

  • Cabinet d’Etudes et de Mise en Recouvrement

           en COTE D’IVOIRE dit CERCI SARL

        (Conseils : – Maître AMON N’GESSAN Séverin, Avocat à la Cour

   -Maître OBIN Georges Roger, Avocat à la cour

                     -Maître N’GUETTA N’GUETTA Gérard, Avocat à la Cour)

 

  • Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI
  • CITIBANK S.A
  • Banque Atlantique de Côte d’Ivoire dite BACI S.A

                 (Conseils : Cabinet DIOMANDE et KONE, Avocats à la Cour)

                                                  

ARRET N°037/2011 du 08 décembre 2011

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième chambre, a rendu l’arrêt  suivant en son audience publique  du 08 décembre 2011 où étaient présents :

 

Messieurs :    Maïnassara MAÏDAGI,                             Président, rapporteur

Namuano Francisco DIAS GOMES,             Juge

Madame :    Flora DALMEIDA MELE,                    Juge

et  Maître ASSIEHUE Acka,                       Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 25 mars 2007 sous le n°041/2007/PC et formé par CD Cabinet Cheick DIOP, Avocats  à la Cour, demeurant à Abidjan, Avenue Lamblin, Résidence MATCA, 6ème étage, 17 BP 1328 Abidjan 17, agissant au nom et pour le compte de la société MAERSK COTE D’IVOIRE, sise à Abidjan-Vridi près d’UNILEVER, 01 BP 6939 Abidjan 01, représentée par son Directeur Général, Monsieur NICOLAJ PETER HANSEN, Administrateur de société, domicilié au siège de ladite société, dans la cause l’opposant au Cabinet d’Etudes et de Recouvrement en COTE D’IVOIRE dit CERCI SARL, ayant pour conseils Maître AMON N’guessan Séverin, Avocat à la Cour demeurant à Abidjan-Plateau, 44, Avenue Lamblin, Résidence EDEN,  01 BP 11775 Abidjan 01, Maître OBIN Georges Roger, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan, Indénié 3, rue des Avodirés, 20 BP 1355 Abidjan 20 et Maître N’GUETTA N’GUETTA  Gérard, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan-Plateau, 55 Boulevard CLOZEL, face Palais de Justice, 16 BP 666 Abidjan 16, Immeuble SCI les Réserves, en cassation de l’Arrêt n°390 rendu le 07 avril 2006 par la Première Chambre de la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, en référé et en dernier ressort ;

 

En la forme

Reçoit la Société MAERSK COTE D’IVOIRE en son appel ;

 

Au fond

L’y dit mal fondée ;

L’en déboute ;

Confirme l’ordonnance attaquée en toutes ses dispositions ;

Condamne MAERSK-CI aux dépens » ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les quatre moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Premier Vice-Président Maïnassara MAÏDAGI ;

Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le  Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu que la signification du présent recours faite par le Greffier en chef de la Cour de céans respectivement à la CITIBANK par lettre n°316/2007/G5 du 02 juillet 2007, reçue le 20 juillet 2007 et à la SGBCI par lettre n°315/2007/G5 du 02 juillet 2007, reçue le 19 juillet 2007 n’a pas été suivie du dépôt de mémoire en réponse au greffe de la Cour dans le délai de trois mois prévu à cet effet par l’article 30 du Règlement de procédure de ladite Cour ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il y a lieu d’examiner le présent recours ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que  dans le but de mettre fin à un différend, les sociétés MAERSK LOGISTICS, MAERSK COTE D’IVOIRE et la société Cabinet d’Etudes et de Recouvrement en COTE D’IVOIRE dite CERCI ont signé un protocole transactionnel le 20 octobre 2004 ; qu’outre cette transaction, la Société MAERSK LOGISTICS devait céder à CERCI des créances d’un montant de 404 341 035 F CFA ; qu’en exécution de ses obligations découlant de cet accord, la société MAERSK COTE D’IVOIRE a remis un chèque d’un montant de 190.000.000 F CFA à CERCI ; qu’invoquant le non recouvrement des créances qui lui ont été cédées par la société MAERSK LOGISTICS, la Société CERCI a assigné la société MAERSK COTE D’IVOIRE en paiement de dommages et intérêts ;   qu’alors que cette instance était pendante devant le Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau, la société CERCI a fait pratiquer une saisie conservatoire de créances sur les comptes de la Société MAERSK COTE D’IVOIRE dans différentes banques de la place le 24 octobre 2005 et a dénoncé ladite saisie le 28 octobre 2005 ; que la société MAERSK COTE D’IVOIRE a saisi le juge des référés à l’effet d’obtenir la mainlevée de la saisie par requête en date du 25 octobre 2005 ; que par Ordonnance n°2259 du 18 novembre 2005, le juge des référés a débouté la société MAERSK COTE D’IVOIRE ; que sur appel interjeté de cette ordonnance, la Cour d’appel d’Abidjan, a rendu, le 07 avril 2006, l’Arrêt n°390 dont pourvoi ;

 

Sur le premier moyen

Vu l’article 79 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions des paragraphes 3 et 4 de l’article 79 de l’Acte uniforme susvisé en ce qu’il résulte desdites dispositions que le créancier saisissant doit, par exploit d’huissier, porter à la connaissance du débiteur, en respectant un certain formalisme sous peine de nullité de la mesure d’exécution forcée ; que le défaut d’indication d’une mention exigée par la loi communautaire est nécessairement sanctionnée par la nullité de l’acte de procédure et de la procédure subséquente ; qu’en plus, la mention exigée au paragraphe 4 de cet article a été inexactement reportée dans l’acte puisqu’il est indiqué comme juridiction compétente « Monsieur le Tribunal de Première instance d’Abidjan Plateau statuant en matière d’urgence » qui constitue une juridiction à part entière qui ne se confond pas avec le Tribunal de première instance ; qu’il n’appartient pas au juge de justifier les légèretés blâmables du créancier poursuivant, fussent-elles des erreurs de saisie ; que la Cour d’appel non seulement n’a pas soulevé d’office le moyen tiré de la nullité de l’acte en cause mais aussi et surtout n’a pas statué sur le moyen invoqué par elle et tiré de la violation des dispositions de l’article 79 paragraphe 4 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que c’est à tort, qu’après avoir relevé l’inexactitude de la désignation de la juridiction compétente, la Cour d’appel n’a pas retenu la nullité de l’acte de dénonciation ; qu’en confirmant l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions, les juges d’appel ont manifestement violé les dispositions de l’article 79 paragraphe 3 de l’Acte uniforme suscité ; que la Cour de céans est donc priée de casser l’arrêt sur ce point ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 79 de l’Acte uniforme susvisé « dans un délai de huit jours, à peine de caducité, la saisie conservatoire est portée à la connaissance du débiteur par acte d’huissier ou d’agent d’exécution.

Cet acte contient, à peine de nullité :

 

(…)

 

3) la mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d’en demander la mainlevée à la juridiction du lieu de son domicile ;

4) la désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment celles relatives à l’exécution de la saisie : » ;

 

Mais attendu en l’espèce, que s’agissant de la désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment celles relatives à l’exécution de la saisie, que l’acte de saisie conservatoire a désigné « Monsieur le Tribunal de première instance d’Abidjan Plateau statuant en matière d’urgence » au lieu de « Monsieur le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau statuant en matière d’urgence » ; qu’il s’agit là d’une erreur de frappe qui ne peut à elle seule entrainer la nullité de l’acte, alors et surtout qu’il a pris soin de préciser « statuant en matière d’urgence », ce qui dénote qu’il s’agit bien du Président du Tribunal ; qu’en retenant que « l’examen de cet acte montre bien qu’il satisfait aux exigences de l’article 79 de l’Acte uniforme OHADA portant voies d’exécution, une simple erreur de saisie ayant fait sauter le mot « PRESIDENT » ce qui ne dénature en rien la désignation de la juridiction compétente », l’arrêt attaqué ne viole en rien les dispositions susénoncées de l’article 79 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il s’ensuit que ce premier moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;

 

Sur les deuxième et troisième moyens réunies

Vu l’article 54 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 54 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que pour mettre en cause la société MAERK COTE D’IVOIRE et valider la saisie querellée, la Cour d’appel retenait, d’une part, que la qualité de débitrice résultait du protocole d’accord transactionnel et, d’autre part, que c’est à bon droit que le premier juge a retenu que le recouvrement de la créance était en péril alors que, selon les moyens, d’une part, la prétendue créance de 404 341 035 F CFA réclamée par la société CERCI était matérialisée dans la convention de cession de créances conclue entre la société MAERSK LOGISTICS et la société CERCI ; que n’ayant pas été partie à la convention de cession de créances, la société MAERSK COTE D’IVOIRE ne pouvait, non seulement avoir la qualité de débitrice de la société CERCI mais aussi et surtout, faire l’objet d’une mesure d’exécution forcée pour une prétendue créance découlant de cette convention ; que, d’autre part, la société MAERSK COTE D’IVOIRE qui est une personne juridique différente de la société MAERSK LOGISTICS n’a cédé aucune créance à la société CERCI et ne pouvait donc avoir la qualité du débiteur dans un rapport juridique passé entre d’autres personnes ; que dès lors, la société CERCI ne saurait prétendre détenir une créance contractuelle contre elle ; qu’enfin, toute saisie conservatoire est subordonnée à la démonstration qu’il y a urgence et que le recouvrement de la créance alléguée est en péril ; que l’urgence suppose une nécessité immédiate d’agir pour éviter une situation dommageable ; que même dans le cas où la créance parait établie, le juge doit s’interroger sur le caractère irrévocable ou périlleux du dommage encouru ; que dans le cas présent, la requête présentée par le Cabinet CERCI pour l’obtention de l’ordonnance de saisie ne justifie d’aucune menace de recouvrement de la prétendue créance ; qu’elle est une société de droit ivoirien dont la solvabilité ne souffre d’aucune contestation ; que pour déclarer valable la saisie querellée, la Cour d’appel a affirmé que l’inexistence des [créanciers cédés]  démontrait le péril dans le recouvrement ; qu’en décidant ainsi alors qu’elle n’est pas le cédant de ces créances, la Cour d’appel ne justifie pas la menace dans le recouvrement ; que la présente saisie viole l’article 54 de l’Acte uniforme et l’arrêt querellé qui l’a déclarée valable doit être cassé ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 54 de l’Acte uniforme susivisé, « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l’autorisation de  pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement » ;

 

Attendu que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de pur fait que la Cour d’appel d’Abidjan, par une décision motivée, a retenu, d’une part, que « c’est le protocole d’accord transactionnel du 20 octobre 2004 qui consacre la créance du cabinet CERCI, la cession de créance n’en constituant qu’une modalité d’exécution » et d’autre part, « la créance du cabinet CERCI étant fondée dans son principe et MAERSK-CI n’ayant pas pu démontrer que les créanciers cédés  sont inexistants, c’est à bon droit que le premier juge a retenu que son recouvrement était en péril », pour confirmer l’ordonnance attaquée en toutes ses dispositions ; que ce faisant, la Cour d’appel ne viole en rien les dispositions susénoncées de l’article 54 susvisé ; qu’il suit que les deux moyens réunis ne sont pas fondés et doivent être rejetés ;

 

 

Sur le quatrième moyen

Vu les articles 336 et 337 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu qu’il est enfin fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions des articles 336 et 337 de l’Acte uniforme susvisé en ce qu’en  communiquant la procédure au Parquet Général pour ses conclusions conformément aux dispositions de l’article 106 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative, il y a eu en l’espèce application à une procédure de contestation de saisie des règles non prévues et contraires à l’Acte uniforme susindiqué, violant ainsi les articles 336 et 337 de cet Acte ;

 

Mais attendu qu’il ne résulte ni des pièces versées au dossier de la procédure, ni de la décision attaquée que ce moyen ait été soutenu devant les juges du fond ; que ce moyen est donc nouveau et doit en conséquence être déclaré irrecevable ;

 

Attendu que la société MAERSK COTE D’IVOIRE ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi ;

Condamne la société MAERSK COTE D’IVOIRE aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

Le Greffier