ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience publique du 29 mars 2007
POURVOI : n°017/2005/PC du 22 avril 2005
AFFAIRE : 1°/ Société EBURNEA
2°/ Monsieur Georges MAURICE
(Conseils : Charles DOGUE, Abbé YAO & Associés, Avocats à la Cour)
Contre
Banque Internationale pour l’Afrique de l’Ouest en COTE
D’IVOIRE dite BIAO-COTE D’IVOIRE
(Conseil : Maître NUAN ALIMAN, Avocat à la Cour)
ARRET N° 013/2007 du 29 mars 2007
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 mars 2007 où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président
Maïnassara MAIDAGI, Juge, rapporteur
Biquezil NAMBAK, Juge
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Société EBURNEA et Monsieur Georges MAURICE contre Banque Internationale pour l’Afrique de l’Ouest en COTE D’IVOIRE dite BIAO-COTE D’IVOIRE par Arrêt n°067/05 du 03 février 2005 de la Chambre judiciaire de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, saisie d’un pourvoi formé le 29 juillet 2003 par la Société EBURNEA et Monsieur Georges MAURICE ayant pour conseils Maîtres Charles DOGUE, Abbé YAO & Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan, 29, Boulevard Clozel, 01 BP 174 Abidjan 01, enregistré sous le n°03-275.CIV du 29 juillet 2003,en cassation de l’Arrêt n°219 rendu le 28 février 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort :
En la forme :
- Déclare la BIAO-CI recevable en son appel régulier ;
Au fond
- L’y dit partiellement fondée ;
- Réforme le jugement querellé ;
Statuant à nouveau ;
- Restitue à l’Ordonnance n°04/02 du 3 janvier 2002 son plein et entier effet ;
- Confirme pour le surplus ;
- Met les dépens à la charge des intimés. » ;
Les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à « l’exploit de pourvoi en cassation » annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que, dans le cadre de son activité de négoce de café et cacao, la Société EBURNEA avait obtenu de la BIAO-COTE D’IVOIRE, en vertu d’une convention de prêt, de compte courant, de cautionnement et d’aval, divers concours financiers logés dans des comptes ouverts dans les livres de la banque ; qu’ayant estimé que les divers comptes avaient dégagé un solde débiteur en sa faveur de 3.791.179.893 F CFA, somme dont un règlement partiel de 352.385.685 F CFA avait été effectué par la Société EBURNEA, la BIAO-COTE D’IVOIRE avait sollicité et obtenu du Président du Tribunal de première instance d’Abidjan l’Ordonnance n°4959 du 17 juillet 2000 condamnant la Société EBURNEA à lui payer en principal la somme de 3.438.794.208 F CFA et Monsieur Georges MAURICE celle de 500.000.000 de F CFA en sa qualité de caution de la Société EBURNEA ; que sur opposition de la Société EBURNEA et de Monsieur Georges MAURICE, le Tribunal de première instance d’Abidjan avait, par Jugement n°54 du 22 mars 2000, déclaré l’opposition mal fondée et restitué à l’ordonnance querellée son plein et entier effet ; que sur appel de ladite Société EBURNEA et de Monsieur Georges MAURICE, la Cour d’appel d’Abidjan avait, par Arrêt n°1065 du 27 juillet 2001, infirmé le jugement entrepris et, statuant à nouveau, déclaré irrecevable la requête aux fins d’injonction de payer présentée par la BIAO-COTE D’IVOIRE ; que par la suite la BIAO-COTE D’IVOIRE avait saisi une seconde fois le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan, lequel, par Ordonnance n°04/02 rendue le 03 janvier 2002, avait ordonné à la Société EBURNEA de payer à la BIAO-COTE D’IVOIRE la somme de 3.438.794.208 F CFA, outre les intérêts et frais et, à Monsieur Georges MAURICE de payer la somme de 500.000.000 de F CFA en sa qualité de caution ; que sur opposition des parties condamnées, le Tribunal de première instance d’Abidjan avait, par Jugement°153 rendu le 25 juillet 2002, débouté la BIAO-COTE D’IVOIRE de sa demande en recouvrement ; que sur appel de la BIAO-COTE D’IVOIRE, la Cour d’appel d’Abidjan avait, par Arrêt n°219 du 28 févier 2003 dont pourvoi, dit la demande de la BIAO-COTE D’IVOIRE partiellement fondée, réformé le jugement querellé et, statuant à nouveau, restitué à l’Ordonnance n°04/02 du 03 janvier 2002 son plein et entier effet ;
Sur le premier moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué un défaut de base légale résultant de l’absence, de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété des motifs en ce que la Cour d’appel d’Abidjan a statué comme elle l’a fait sans motiver sa décision de condamnation à l’encontre des parties demanderesses au pourvoi ; qu’ainsi, sur l’irrecevabilité de la requête aux fins d’injonction de payer, la Cour d’appel d’Abidjan a infirmé le Jugement n°153 du 25 juillet 2002 en se contentant de faire droit aux allégations de la BIAO-CI sans un examen minutieux des dispositions querellées et que, ce faisant, elle n’a pu tirer les conséquences de droit qui s’imposaient et devaient servir à la motivation de sa décision ; que sur l’existence de la créance réclamée, la Cour d’appel d’Abidjan a démérité puisqu’elle s’est contentée de donner quittance aux allégations de la BIAO-CI, un règlement partiel d’une dette ne constituant en rien une reconnaissance de la globalité de la somme réclamée ; que dès lors, en avalisant les prétentions de la BIAO-COTE D’IVOIRE sans aucune articulation juridique, les Juges d’appel ont privé leur décision de base légale ;
Mais attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué que, pour restituer à l’ordonnance querellée son plein et entier effet, la Cour d’appel a retenu, d’une part, « que contrairement aux allégations des intimés, la mention du montant des intérêts est plutôt exigée dans l’acte de signification et non dans la requête aux fins d’injonction de payer (article 8 de l’Acte uniforme portant recouvrement des créances) » et, d’autre part, « qu’en l’espèce, la société EBURNEA et Monsieur Georges MAURICE n’ont jamais contesté le montant de la créance ; que mieux, ils ont réglé partiellement une partie de la dette avant la procédure de recouvrement » ; que par conséquent, la Cour d’appel a motivé sa décision qui ne peut encourir cassation de ce fait ; qu’il s’ensuit que le premier moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Sur le second moyen
Vu les articles 4, alinéa 2.2°) et 8, alinéa 1 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est également fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 4 de l’Acte uniforme susvisé ou commis une erreur dans son application ou son interprétation en ce que la Cour d’appel n’a pas pris soin d’appréhender la portée exacte des dispositions dudit article 4, lesquelles signifient clairement que tous « les postes » de demande constituant la créance réclamée doivent figurer dans la requête, la créance litigieuse pouvant être composée d’autant d’éléments dont la partie requérante réclame le paiement et au rang desquels figurent le montant en principal, les intérêts, les frais de procédure, notamment du greffe ; qu’à bien lire les dispositions de l’article 4 et de l’article 8 du même Acte uniforme et à les recouper, il ressort que les éléments de la créance réclamée tels que « les intérêts et les frais » doivent figurer aussi bien dans la requête, à peine d’irrecevabilité de celle-ci que dans l’exploit de signification, à peine de nullité ; que du fait que les intérêts et les frais font partie intégrante de la créance réclamée, ils doivent être mentionnés de façon précise dès le stade de la requête comme l’exigent les dispositions de l’article 4 de l’Acte uniforme précité ; que la requête étant donc irrecevable, l’ordonnance corrélative devenait de ce fait caduque ;
Attendu qu’aux termes des articles 4, alinéa 2.2°) et 8, alinéa 1 de l’Acte uniforme susvisés « elle [la requête] contient, à peine d’irrecevabilité :
(…)
2°) l’indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci » et « à peine de nullité, la signification de la décision portant injonction de payer contient sommation d’avoir :
– soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par la décision ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé… »
Attendu qu’il ressort de l’analyse des dispositions susénoncées que c’est au stade et dans l’acte de signification de la décision portant injonction de payer qu’il est fait obligation de mentionner, à peine de nullité de ladite signification, les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé et non au moment de l’introduction et dans la requête aux fins d’injonction de payer où il est seulement fait obligation, à peine d’irrecevabilité de la requête, d’indiquer avec précision le montant de la somme réclamée avec le décompte de ses différents éléments ainsi que son fondement ; que contrairement à ce que soutiennent les demandeurs au pourvoi, d’une part, il ne peut être fait un rapprochement entre les articles 4 et 8 de l’Acte uniforme susindiqués, l’un sanctionnant d’irrecevabilité et l’autre sanctionnant de nullité et, d’autre part, il ne peut être fait mention au stade de la requête aux fins d’injonction de payer des intérêts et frais, lesquels ne peuvent être calculés qu’à la suite de la décision de condamnation découlant de la requête introduite ; qu’en retenant que « la mention du montant des intérêts est plutôt exigée dans l’acte de signification et non dans la requête aux fins d’injonction de payer » pour décider que la requête présentée par l’appelante est recevable, l’arrêt attaqué n’a en rien violé les dispositions susénoncées de l’article 4 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il suit que le second moyen n’est pas davantage fondé et doit être rejeté ;
Attendu que la Société EBURNEA et Monsieur Georges MAURICE ayant succombé, il échet de les condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi formé par la Société EBURNEA et Monsieur Georges MAURICE ;
Les condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier