ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Audience Publique du 16 novembre

Pourvoi : n° 110/2004/PC du 14 octobre 2004

Affaire : Maître KAUDJHIS-OFFOUMOU Françoise, Avocat à la Cour

                                             Contre

      La Société de Promotion Immobilière dite SOPIM

      (Conseil : Maître ORE Sylvain, Avocat à la Cour)

ARRET N°027/2006 du 16 novembre 2006

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du16 novembre 2006 où étaient présents :

 

  1. Antoine Joachim OLIVEIRA, Président

Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge, rapporteur

Boubacar DICKO, Juge

et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n° 110/2004/PC du 14 octobre 2004 et formé par Maître KAUDJHIS-OFFOUMOU Françoise, Avocat au Barreau de Côte d’Ivoire, épouse KAUDJHIS, demeurant à Abidjan, 08 B.P. 803 Abidjan 08, en annulation de :

 

– l’Ordonnance de référé n° 073 rendue le 21 septembre 2004 par le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire au profit de la Société de Promotion Immobilière dite SOPIM, Société anonyme dont le siège est à Abidjan – Plateau, immeuble GYAM, angle Boulevard Clozel, Avenue Marchand, 04 B.P. 4 Abidjan 04, ayant pour conseil Maître ORE Sylvain, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan – Plateau, Angle Boulevard Clozel, Avenue Marchand, immeuble GYAM, 7è étage porte D et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort ;

Ordonnons le cantonnement de la somme de 150.000.000 francs CFA entre les mains du Trésor public pour la sauvegarde des intérêts de Maître KAUDJHIS OFFOUMOU, défenderesse dans la présente action ;

 

Ordonnons la mainlevée de la saisie pratiquée en vertu de l’Arrêt n° 301 du 20 février 2004 par Maître KAUDJHIS-OFFOUMOU relativement au surplus de la créance du demandeur contre le Trésor public ;

 

Ordonnons en conséquence le paiement de ce reliquat par le Trésor public à la SOPIM ; s’agissant de la demande de mainlevée de toutes les autres saisies opérées dans les institutions bancaires en vertu de l’arrêt susvisé, ordonnons la jonction de la procédure avec celle en instance et devant être vidée le 04 octobre 2004 ;

Mettons les dépens à la charge du Trésor public » ;

 

l’Ordonnance n° 076/2004 rendue le 04 octobre 2004 par le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire au profit de la même Société SOPIM dont l’adresse ci-dessus mentionnée et qui a le même conseil que ci-dessus indiqué ; Ordonnance dont le dispositif est le suivant : « Ordonnons la main levée immédiate de toutes les saisies pratiquées par Maître KAUDJHIS OFFOUMOU sur les comptes bancaires de la Société SOPIM, la SCI GYAM et Monsieur KONAN YAO Patrice en exécution de l’arrêt n° 301 du 20 février 2004 rendu par la Cour d’appel d’Abidjan. Comptes bancaires domiciliés dans les établissements suivants : la STANDARD CHARTERED BANK, la BICICI, la BIAO, la SIB, ECOBANK ;

Ordonnons à Trésor Public d’Abidjan de reverser à la SOPIM le surplus des 150 000 000 Francs servant à garantir les honoraires de Maître KAUDJHIS OFFOUMOU conformément à l’ordonnance présidentielle n° 73/04 du 21 septembre 2004 ;

Mettons les dépens à la charge du Trésor Public » ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique d’annulation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE ;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que dans le cadre du recouvrement de ses honoraires dûs à la suite de la défense des intérêts de la Société de Promotion Immobilière dite SOPIM, de la Société Immobilière dite SCI GYAM et de Monsieur KONAN YAO Patrice, Maître KAUDJHIS-OFFOUMOU Françoise, Avocat au Barreau de Côte d’Ivoire, a obtenu une décision d’arbitrage du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Côte d’Ivoire fixant ses honoraires au montant global de 727.492.010,84 francs CFA ; que les Sociétés SOPIM, SCI GYAM et Monsieur KONAN YAO Patrice ont alors saisi le Tribunal de première instance d’Abidjan qui, par Jugement n° 128/Civ du 24 juillet 2003, a confirmé la décision d’arbitrage du Bâtonnier de l’ordre des Avocats de Côte d’Ivoire et a ordonné l’exécution provisoire à hauteur de 50.000.000 de francs CFA ; que sur appel des parties condamnées, la Cour d’appel d’Abidjan a infirmé ladite décision, par Arrêt n° 301 du 20 février 2004 et a condamné les appelants à payer la somme de 100.000.000 de francs CFA ; que ledit arrêt a fait l’objet de pourvoi de toutes les parties au procès ; qu’il ressort par ailleurs que suite à la saisie-attribution des créances et à la saisie conservatoire pratiquée entre les mains du Trésor public et de diverses banques de la place, les Sociétés SOPIM, SCI GYAM et Monsieur KONAN YAO Patrice ont saisi le Président de la Chambre judiciaire de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire d’une requête aux fins de sursis à exécution de l’arrêt susvisé ; que par Ordonnance n° 078/CS/JP/O4 en date du 25 mai 2004, celui-ci a rejeté ladite requête ; que de son côté, le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, saisi par la SOPIM et autres, par ses Ordonnances n° 073 du 21 septembre 2004 et n° 076/2004 du 4 octobre 2004 a ordonné le sursis à exécution de l’Arrêt n° 301 du 20 février 2004 ; que ce sont ces deux ordonnances qui ont été attaquées par Maître KHAUDJIS OFFOUMOU Françoise au moyen d’un pourvoi en annulation devant la Cour de céans ;

 

Sur le moyen unique

 

Vu l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu que le pourvoi reproche au Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire d’avoir pris deux Ordonnances n° 073/2004 du 21 septembre 2004 et 076 du 04 octobre 2004, prescrivant le cantonnement de la somme de 150.000.000 de francs CFA, objet de la saisie-attribution entre les mains du Trésor public, donnant mainlevée immédiate de toutes les saisies pratiquées en exécution de l’Arrêt n° 301 du 20 février 2004 rendu par la Cour d’appel d’Abidjan, et ordonnant au Trésor public le reversement à la SOPIM du surplus des sommes qu’il détenait après cantonnement, au mépris des dispositions de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui attribue la compétence du contentieux de l’exécution au Président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou au magistrat délégué par lui ; qu’en effet, selon la requérante, aux termes de l’article 49 susmentionné « la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée est le Président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui… » ;

 

Attendu que la matière des voies d’exécution à laquelle se rattache le présent contentieux étant désormais régie et ce depuis le 11 juillet 1998, date de son entrée en vigueur, par l’Acte uniforme susvisé, il ressort des dispositions susénoncées de l’article 49 de ce texte que tout litige relatif à une mesure d’exécution forcée relève, quelle que soit l’origine du titre exécutoire en vertu duquel elle est poursuivie, de la compétence préalable du Président de la juridiction statuant en matière d’urgence et en premier ressort ou du magistrat délégué par lui ;

 

Attendu qu’il s’induit de ce qui précède qu’en l’espèce, le juge compétent pour connaître du cantonnement et de la mainlevée des saisie-attribution et saisie conservatoire des créances sur les comptes bancaires de la Société SOPIM, de la SCI GYAM et de Monsieur Konan Yao Patrice en exécution de l’Arrêt n° 301 rendu le 20 février 2004 par la Cour d’appel d’Abidjan est le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan – Plateau ou le magistrat délégué par lui ; qu’il en résulte qu’en retenant sa compétence et en rendant les ordonnances attaquées, le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire a méconnu les dispositions susmentionnées de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et exposé ses décisions à l’annulation ; qu’il échet en conséquence d’annuler les Ordonnances n° 073/2004 du 21 septembre 2004 et 076/2004 du 04 octobre 2004 pour cause de violation de la loi ;

 

Attendu que la SOPIM ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Annule les Ordonnances n° 073/2004 et 076/2004 rendues respectivement les 21 septembre et 04 octobre 2004 par le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire ;

Condamne la Société de Promotion Immobilière dite SOPIM aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et  an  que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

 Le Greffier