ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 07 juillet 2016
Pourvoi : n° 083/2014/PC du 12/05/2014
Affaire : Madame TONIN Salma Hamout
(Conseils : Maîtres NDIAYE, NDIONE & PADANOU, Avocats à la cour)
contre
- Cabinet SORIM
- Dr ABDOU AMADOU BA
Arrêt N° 131/2016 du 07 juillet 2016
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 07 juillet 2016 où étaient présents :
Madame Flora DALMEIDA MELE, Présidente,
Messieurs Victoriano OBIANG ABOGO, Juge rapporteur
Idrissa YAYE, Juge
Birika Jean Claude BONZI, Juge
Fodé KANTE, Juge,
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 12 mai 2014 sous le n°083/2014/PC et formé par le Cabinet de Maîtres NDIAYE, NDIONE & PADANOU, Avocats au Barreau de Dakar, 30 Liberté VI Extension, agissant au nom et pour le compte de Madame TONIN Salma Hamout, demeurant à 17 rue Saint Saens à Marseille, France, dans la cause l’opposant au Cabinet SORIM et Docteur Abdou Amadou BA, demeurant à Dakar 10, rue Carnot, Dakar Sénégal, en cassation de l’arrêt n°833/10 rendu le 14 décembre 2010 par la cour d’appel de Dakar et dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort
Vu l’ordonnance de clôture du Conseiller de la mise en état en date du 30 novembre 2010, déclare la procédure régulière ;
Au fond
Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
Condamne l’appelant aux dépens ; » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Victoriano OBIANG ABOGO, juge, rapporteur ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que madame TONIN Salma Hamout, propriétaire d’un immeuble situé à Dakar, a signé un bail à usage professionnel avec le cabinet SORIM représenté par le docteur Abdou Amadou BA ; qu’en date du 29 juin 2007 par exploit huissier de justice à Dakar, la dame TONIN a signifié au sieur Abdou Amadou BA un préavis de congé, suivi d’un acte de refus de renouvellement du même huissier daté du 30 juillet 2007 ; que courant le mois de mai 2009, le Ministère de l’intérieur a fait évacuer tous les occupants dudit immeuble aux motifs qu’il menaçait de s’écrouler du fait de sa vétusté ; qu’en date du 03 juin 2008, le Cabinet SORIM a assigné dame TONIN devant le tribunal régional hors classe de Dakar pour demander le paiement de la somme de 50.000.000 francs CFA à titre d’indemnité d’éviction ; que par jugement n° 1336/09 rendu le 03 juin 2009, le tribunal a condamné dame TONIN à lui payer la somme de 10.000.000 francs CFA au titre de l’indemnité d’éviction avec exécution provisoire jusqu’à concurrence du montant de 500.000 francs CFA ; que sur appel de madame TONIN, la cour d’appel de Dakar a rendu le 14 décembre 2010, l’arrêt confirmatif n° 833 dont pourvoi ;
Attendu que par lettre n°456/2014/G2 du 18 juin 2014, le greffier en chef de la Cour de céans signifiait le recours au cabinet SORIM représenté par le docteur Abdou Amadou BA et lui impartissait un délai de trois mois pour produire son mémoire en réponse ; que le défendeur jusqu’à ce jour ne s’est pas exécuté ; que le principe du contradictoire ayant été ainsi respecté, il y a lieu d’examiner le présent recours ;
Sur les deux moyens réunis
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, par mauvaise interprétation, violé les articles 94 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général en ce que, le tribunal régional de Dakar bien qu’ayant relevé que la SORIM n’a produit aucune pièce ou document comptable pouvant lui permettre de fixer le montant, a, tout de même, fixé cette indemnité à dix millions (10.000.000) francs CFA ; que en se fondant simplement sur la situation géographique du local pour fixer l’indemnité ; que le cabinet SORIM doit son déguerpissement non pas du fait de l’ordonnance rendue le 03 mars mais par le fait du prince à savoir les autorités publiques ; que des lors, affirme la demanderesse il ne peut prétendre au paiement d’une indemnité d’éviction ; qu’en retenant le principe du paiement de l’indemnité d’éviction, la cour d’appel a violé les dispositions combinées des articles 94 alinéa 1 et 95 alinéa 1 de l’Acte uniforme précité, l’arrêt attaqué encourt cassation ;
Attendu que les articles 94 devenue 126 et 95 devenue 127 de l’Acte uniforme susvisé disposent respectivement que « le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée en réglant au locataire une indemnité d’éviction. A défaut d’accord sur le montant de cette indemnité, celle-ci est fixée par la juridiction compétente en tenant compte notamment du montant du chiffre d’affaires, des investissements réalisés par le preneur et de la situation géographique du local » et « le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée, sans avoir régler d’indemnité d’éviction, dans les cas suivants :
1.- s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur sortant. Ce motif doit consister, soit dans l’inexécution par le locataire d’une obligation substantielle du bail, soit encore dans la cessation de l’exploitation du fonds de commerce. Ce motif ne pourra être invoqué que si les faits se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après mise en demeure du bailleur, par acte extrajudiciaire, d’avoir à les faire cesser.
2.- s’il envisage de démolir l’immeuble comprenant les lieux loues, et de le construire. Le bailleur devra dans ce cas justifier de la nature et de la description des travaux projetés. » ;
Mais attendu qu’il résulte de l’analyse des dispositions sus énoncées que toute opposition du bailleur au renouvellement du bail expose celui-ci au paiement d’une indemnité d’éviction sauf à justifier d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur, motif consistant soit dans l’inexécution par le locataire d’une obligation substantielle du bail, soit encore dans la cessation de l’exploitation du fonds de commerce ou encore à prouver que l’immeuble comprenant les lieux loués est destiné à la démolition et à la reconstruction tout en justifiant la nature et la description des travaux projetés ; qu’il suit que dame TONIN ne justifie d’aucun motif grave et légitime à l’encontre du cabinet SORIM, disant seulement qu’elle entend reprendre les locaux pour occupation personnelle ; que l’indication de certains éléments d’appréciation n’entame pas la liberté du juge ; qu’en l’espèce, pour allouer au cabinet SORIM la somme de 10.000.000 francs CFA au titre de l’indemnité d’éviction, le tribunal régional hors classe de Dakar dans son jugement n°1336/09 en date du 03 juin 2009, a relevé d’une part, « que le cabinet SORIM n’a produit en l’espèce aucune pièce ou document comptable pouvant permettre à la juridiction de céans, en application de l’alinéa 2 de l’article 94 ancien de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, de raisonnablement déterminer le montant à lui allouer à ce titre » ; et d’autre part, « que dans de telles circonstances, il echet, de forfaitairement condamner la dame TONI Salma à payer la somme de 10.000.000 francs CFA » ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas violé les dispositions visées aux moyens ; qu’il s’ensuit que les moyens ne sont pas fondés et doivent être rejetés ;
Attendu qu’ayant succombé, Madame TONIN Salma Hamout doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare recevable le recours ;
Rejette le pourvoi ;
Condamne madame TONIN Salma Hamout aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
La Présidente
Le Greffier