ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Audience Publique du jeudi 10 janvier 2002  

Renvoi  n°005/2001/PC du 14 mai 2001

       Affaire : Compagnie des Transports de MAN dite CTM 

                       (Conseil : SCPA SAKHO, KAMARA & Associés)                                      

Contre

                       Compagnie d’Assurances COLINA S.A.

   (Conseil : Cabinet d’Avocats Charles DOGUE, ABBE YAO &  

    Associés)

ARRÊT N° 001/2002 du 10 janvier 2002

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.) a rendu l’Arrêt suivant en son audience  publique du 10 janvier 2002 où étaient présents :

 

 

Messieurs      Seydou BA,                                 Président

Jacques M’BOSSO,                       Premier Vice-président

Antoine Joachim OLIVEIRA,           Second Vice-président

Doumssinrinmbaye BAHDJE           Juge

Maïnassara MAIDAGI,                    Juge

Boubacar DICKO,                                  Juge-rapporteur

 

et Maître Acka ASSIEHUE, Greffier ;

 

 

Sur le pourvoi formé le 14 mai 2001 par la SCPA SAKHO, KAMARA & Associés, Avocats à la Cour, 118,  Rue Pitot, COCODY DANGA,  08 BP 1933 Abidjan 08, agissant au nom et pour le compte de la Compagnie des Transports de MAN dite CTM dont le siège social est à MAN (République de COTE D’IVOIRE), Boîte Postale 223, dans la cause l’opposant à la Compagnie d’Assurances COLINA S.A. ayant pour conseil le Cabinet Charles DOGUE, ABBE YAO & Associés, Avocats près la Cour d’appel d’Abidjan, y demeurant, 29, Boulevard Clozel, 01 BP 174 Abidjan 01, en cassation de l’Arrêt n°511 rendu le 21 avril 2000 par la Cour d’appel d’Abidjan dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort :

 

En la forme

Déclare la Société CTM recevable en son appel régulier ;

 

Au fond

Rejette l’exception de communication de pièces ;

L’y dit mal fondé ;

L’en déboute ;

Confirme la sentence arbitrale du 19 mars 1999 rendue par le Tribunal arbitral ;

Condamne la CTM aux dépens » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que courant  1999, pour les nécessités de son commerce, la Compagnie des Transports de MAN dite ” CTM” a assuré ses véhicules à la Compagnie d’Assurances COLINA S.A. ; que lors du calcul des primes d’assurance à payer, un désaccord est survenu entre les parties, la Compagnie d’Assurances COLINA S.A. les estimant à 30 011 825 francs CFA et la CTM, pour sa part,  à 7 718 983 francs CFA ;

 

Que pour vaincre la résistance de sa co-contractante, la Compagnie d’Assurances COLINA S.A. a saisi le Président du Tribunal de première Instance d’Abidjan qui, en exécution des clauses du contrat d’assurance, a renvoyé les parties devant un Tribunal arbitral aux fins de trancher le différend ; que dans sa sentence arbitrale rendue le 19 mars 1999, ce Tribunal a statué en ces termes : « Après avoir délibéré, les arbitres ont rendu en premier ressort la décision suivante ;

 

  • Disons que la créance de la Société COLINA n’est pas contestée dans son principe ;
  • Disons que les contestations relatives au quantum de la créance ne résistent pas à l’examen ;
  • Fixons le montant de la créance de la Société COLINA à la somme de 30 909 258 F CFA ;
  • Décision rendue au Cabinet du Président du Tribunal arbitral, Maître Le Prince D. Blessy, sis à l’immeuble Gyam, 4ème étage porte G4, 01 BP 58659 Abidjan 01, le 19 mars 1999 » ;

 

Que c’est contre l’Arrêt n°511 rendu le 21 avril 2000  par la Cour d’Appel d’Abidjan, qui a confirmé la sentence ci-dessus, que la CTM s’est pourvue en cassation devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Que dans sa requête aux fins de pourvoi en cassation reçue et enregistrée à la Cour le 14 mai 2001 sous le n°005/2001/PC et signifiée à  la partie défenderesse par lettre n°92/2001/G5 du 28 septembre 2001 du Greffier en chef de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, la requérante a invoqué le moyen unique de cassation tiré de la violation de « l’article 5 de l’Acte Uniforme de l’OHADA relatif au Droit de l’Arbitrage » ;

 

Que les conseils de la Compagnie d’Assurances COLINA S.A., le Cabinet  Charles DOGUE, ABBE YAO et Associés, Avocats près la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant, 29, Boulevard Clozel, 01 BP 174 Abidjan 01, ont, dans leur mémoire en réponse en date du 25 octobre 2001, conclu à titre principal à l’incompétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA et à titre subsidiaire à l’irrecevabilité dudit moyen qui n’avait pas été présenté devant la Cour d’appel ;

 

Que dans leur lettre en date du 07 novembre 2001, les conseils de la requérante ont déclaré ne pas vouloir répliquer au mémoire en réponse de la partie défenderesse qui leur avait été signifié le 31 octobre 2001 par le Greffier en chef de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Sur le moyen unique 

Attendu que le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi en ce qu’il ressort de la sentence arbitrale du 19 mars 1999  que les avocats des parties siégeaient au Tribunal arbitral en tant qu’arbitres en violation de l’article 5 de l’Acte Uniforme de l’OHADA relatif au droit de l’arbitrage, les avocats des parties censés les représenter ne pouvant être en même temps juges ; que l’avocat étant payé par le client pour le représenter et non pour le voir comme arbitre, il s’ensuit que le Tribunal arbitral qui devait être composé de trois arbitres ne l’était pas en fait car deux des arbitres étaient les représentants des parties en litige ; que dès lors, le Tribunal était mal constitué et en rendant une sentence arbitrale alors qu’il était irrégulièrement composé, sa décision est entachée de nullité ; qu’il s’ensuit que l’arrêt attaqué encourt la cassation de ce chef ;

 

Mais attendu que l’article 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique édicte que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) assure dans les Etats parties l’interprétation et l’application commune des Actes Uniformes et, saisie par la voie du recours en cassation, se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes Uniformes et des Règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales, ainsi que dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats Parties dans les mêmes contentieux ;

 

Attendu en l’espèce que l’Acte Uniforme relatif au droit de l’arbitrage auquel se réfère la requérante a été adopté le 11 mars 1999 ; qu’il édicte en son article 35 que « le présent Acte Uniforme tient lieu de loi relative à l’arbitrage dans les Etats Parties.

Celui-ci n’est applicable qu’aux instances arbitrales nées après son entrée en vigueur » ; que l’alinéa 2 de l’article 36 du même Acte Uniforme précise qu’  « il entrera en vigueur conformément aux dispositions de l’article 9 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique » ;

 

Attendu qu’au regard des dispositions susmentionnées, il apparaît clairement que l’Acte Uniforme susvisé ne pouvait être applicable à l’instance arbitrale du fait même de l’antériorité de celle-ci ; qu’en effet, à la date du prononcé de la sentence arbitrale, le 19 mars 1999, ledit Acte Uniforme n’était pas encore entré en vigueur ; qu’il  s’ensuit que les conditions de compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA en matière contentieuse, telles que précisées à l’article 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ne sont pas réunies ; qu’il échet en conséquence de se déclarer incompétent et renvoyer la requérante à mieux se pourvoir ;

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

 

  • Se déclare incompétente ;
  • Renvoie la requérante à mieux se pourvoir ;
  • Met les dépens à sa charge.

 

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

Le Président

Le Greffier