ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Première Chambre

Audience publique du 31 mars 2005

Pourvoi : n° 074/2004/PC du 09 juillet 2004

Affaire : Société General Prestation Service dite G.P.S.

 (Conseils : SCPA SORO et BAKO, Avocats à la Cour)

         Contre

      Société Catering International Service dite C.I.S.

      (Conseil : SCPA AHOUSSOU-KONAN et Associés, Avocats à la Cour)

                                                                                                               

Compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage pour connaître d’un recours en cassation au regard de  l’article 14, alinéas 3 et 4 du Traité relatifi à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique : non

 

–          La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage doit se déclarer incompétente pour connaître d’un recours en cassation lorsque aucun moyen tiré de la violation ou de l’erreur d’interprétation d’un Acte uniforme ou d’un règlement prévu au Traité de l’OHADA n’a été invoqué ni devant le premier juge, ni devant le juge d’appel par l’une ou l’autre des parties, et singulièrement par la partie défenderesse. En l’espèce, la contestation dont est saisie la Cour de céans porte, selon les prétentions des parties et les motivations tant du jugement que de l’arrêt attaqué, sur l’application ou l’interprétation des articles 1134 et 1149 du Code civil tchadien.

 

ARRET N° 024/2005 du 31 mars 2005

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 31 mars 2005 où étaient présents :

 

  1. Jacques M’BOSSO, Président, rapporteur

Maïnassara MAIDAGI,                    Juge

Biquezil NAMBAK,                       Juge

et  Maître KEHI Colombe BINDE,    Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 09 juillet 2004 sous le n° 074/2004/PC et formé par la SCPA SORO et BAKO, Avocats à la Cour, à Abidjan, y demeurant Cocody les II Plateaux, Boulevard des Martyrs, SICOGI, immeuble BOTIWA, escalier H, 2ème étage B.P. 1319 Cédex 1, Abidjan, agissant au nom et pour le compte de la Société Général Prestation Service dite GPS, inscrite au registre du commerce et du crédit mobilier du Tchad sous le numéro RCCM-TC-NDJ-582/A/98 du 13 octobre 1998, sise Arrondissement 3, rue 3603, B.P. 5190 N’Djaména, République du Tchad, dans la cause l’opposant à la Société Catering International Service dite C.I.S., sise au quartier Sabangali, B.P. 6081 N’Djaména, République du Tchad, ayant pour Conseils la SCPA AHOUSSOU KONAN et Associés, Avocats à la Cour, demeurant à la Résidence Neuilly, 19 Boulevard Angoulvant, Abidjan,en cassation de l’Arrêt n°019/04 rendu le 26 mars 2004 par la Cour d’appel de N’Djaména et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale, coutumière et en dernier ressort,

En la forme : Déclare recevables les appels des parties et l’action de GPS ;

Au fond : Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

Condamne l’entreprise GPS aux dépens liquidés à la somme de 12.036.600 francs » ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le  moyen unique de cassation tel qu’il figure à l’acte de pourvoi annexé au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président ;

 

Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que le 11 avril 2001, la Société General Prestation Service dite GPS concluait avec la Société Catering International Service dite CIS un contrat de prestation de service pour une durée de douze mois renouvelable de commun accord ; que par lettre du 14 mars 2002, CIS faisait savoir à GPS qu’elle mettait un terme au contrat susindiqué ; que considérant abusive cette rupture annoncée du contrat, GPS saisissait par requête introductive d’instance en date du 05 juillet 2002 le Tribunal de première instance de N’Djaména d’une demande de condamnation de CIS à lui payer des dommages-intérêts ; que par Jugement n° 132 bis/03 du 27 mars 2003 rendu par défaut à l’égard de la Société CIS, ledit Tribunal condamnait celle-ci à verser à GPS la somme de 400.000.000 francs pour tous préjudices confondus et ordonnait l’exécution provisoire à hauteur de 30.000.000 francs ; que sur opposition de la Société CIS, le même Tribunal rendait le Jugement n° 379/03 du 1er août 2003 ainsi conçu en son dispositif : « Déclare recevable l’opposition de CIS. Au fond : Dit que cette opposition est mal fondée et l’en déboute ; Dit que le jugement querellé sortira son plein et entier effet » ; que par déclarations faites au greffe dudit Tribunal de première instance de N’Djaména les 10 et 15 août 2003, les Sociétés CIS et GPS avaient respectivement relevé appels principal et incident du Jugement n° 379/03 susindiqué ; qu’après avoir considéré que les deux appels susmentionnés avaient été faits dans les forme et délai de la loi et les avoir déclaré recevables, la Cour d’appel de N’Djaména, statuant sur les causes, a rendu l’Arrêt n° 019/04 du 26 mars 2004 dont pourvoi ;

 

Sur la compétence de la Cour

Vu l’article 14, alinéas 3 et 4 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 14, alinéas 3 et 4 du Traité susvisé, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des Règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales ;

Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux » ;

 

Attendu, en l’espèce, qu’il est constant comme résultant de l’examen des pièces du dossier de la procédure que l’Arrêt 019/04 du 26 mars 2004 de la Cour d’appel de N’Djaména, tout comme le Jugement 379/03 du 1er août 2003 du Tribunal de première instance de N’Djaména qu’il a infirmé en toutes ses dispositions,  ne sont fondés sur aucun Acte uniforme ou règlement prévu au Traité institutif de l’OHADA ; qu’en effet, aucun moyen tiré de la violation ou de l’erreur d’interprétation d’un Acte uniforme ou d’un règlement prévu au Traité de l’OHADA n’a été invoqué ni devant le premier juge, ni devant le juge d’appel par l’une ou l’autre des parties, et singulièrement par la partie demanderesse ; que devant le premier juge, celle-ci a soutenu, comme plus tard en des termes similaires devant le juge d’appel, sa demande d’indemnisation pour « rupture abusive du contrat » en indiquant que « CIS avait sciemment laissé ce délai [de préavis] courir avant de la saisir par une correspondance en date du 14 mars, correspondance qu’il a reçue le 16 mars alors que le contrat a déjà tacitement [été] reconduit ; que c’est pourquoi, elle se base sur les articles 1134 et 1149 du code civil pour réclamer la condamnation de CIS à lui verser la somme de 394.506.797 francs à titre principal et celle de 150.000.000 francs, à titre de dommages-intérêts ainsi qu’une exécution provisoire à hauteur de 113.961.874 francs » ; que s’agissant de la motivation de l’arrêt attaqué, la Cour d’appel de N’Djaména, après analyse des clauses du contrat et des faits de l’espèce, a considéré, d’une part, « qu’en pensant que le contrat du 11/04/01 pouvait faire l’objet d’une tacite reconduction, le premier juge a fait montre d’une grave méconnaissance des dispositions de l’article 1134 du code civil ; qu’il échet de conclure à une résiliation régulière. » et d’autre part, « qu’aucune faute n’ayant été commise par CIS à l’occasion de la rupture du contrat, le premier juge a fait une mauvaise application des dispositions de l’article 1149 du code civil pour adjuger à GPS des dommages et intérêts ; » ; qu’ainsi, la contestation dont est saisie la Cour de céans et qui porte, selon les prétentions des parties et les motivations tant du jugement que de l’Arrêt attaqué, sur l’application ou l’interprétation des articles 1134 et 1149 du code civil tchadien, ne soulève aucune question relative à l’application des Actes uniformes et des Règlements prévus au Traité de l’OHADA ; qu’il suit que la Cour de céans, en application des dispositions susénoncées de l’article 14, alinéas 3 et 4 du Traité susvisé, doit se déclarer incompétente ;

 

Attendu que la Société GPS ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;

 

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Se déclare incompétente ;

Condamne la Société Général Prestation Service dite GPS aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

 

Le Président

Le Greffier