ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième Chambre
Audience Publique du 09 mars 2006
Pourvoi n°025/2004/PC du 16/02/2004
Affaire : AKA Bélinda
(Conseil : Maître KOSSOUGRO SERY, Avocat à la Cour)
Contre
Société Ivoirienne de Promotion de Supermarchés dite PROSUMA
(Conseils : Maîtres Charles DOGUE-ABBE YAO et Associés, Avocats à la Cour)
ARRET N°004/2006 du 09 mars 2006
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 09 mars 2006 où étaient présents :
Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Boubacar DICKO, Juge, Rapporteur
Et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire AKA Bélinda ayant pour conseil Maître KOSSOUGRO SERY, Avocat à la Cour, demeurant 3, rue Jesse Owens, Abidjan-Plateau, 14 BP 279 Abidjan 14, contre la Société Ivoirienne de Promotion de Supermarchés dite PROSUMA ayant pour conseils Maîtres Charles DOGUE, Abbe YAO et Associés, Avocats à la Cour, demeurant 29, Boulevard Clozel, 01 BP 174 Abidjan 01, par Arrêt n°699/03 du 11 décembre 2003 de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi initié par exploit en date du 24 juin 2003 de Madame AKA Bélinda,en cassation de l’Arrêt n°350/2003 rendu le 25 mars 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort ;
Vu l’Arrêt ADD n°215 du 25/02/2003 ayant déclaré recevable l’appel de mademoiselle AKA Bélinda ;
Au fond
- l’y dit mal fondée et l’en déboute ;
- confirme par substitutions de motifs l’ordonnance entreprise ;
- condamne l’appelante aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à ‘‘l’exploit de pourvoi en cassation’’ annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que Madame AKA Bélinda possède à Abidjan – II Plateaux un terrain non bâti que ses ascendants, alors qu’elle était mineure, avaient entrepris d’exploiter et de rentabiliser ; que ces derniers, pour ce faire, conclurent avec PROSUMA deux protocoles d’accord en dates des 29 décembre 1995 et 23 octobre 1996 aux termes desquels cette dernière préfinancera la construction sur ledit terrain d’un immeuble à la fois à usage commercial – il devait en effet abriter un supermarché – et d’habitation ; qu’en contrepartie de la construction de cet immeuble, PROSUMA devait bénéficier d’un bail dont les deux protocoles précités fixaient les modalités, notamment le quantum du prix des loyers et le mode de révision de ceux-ci ; que cependant, par divers courriers, en dates des 18 octobre 1999 et 11 janvier 2000, Madame AKA Bélinda et son conseil réclamaient à PROSUMA qui occupait les locaux, objet du bail, une révision à la hausse du montant des loyers ; que cette réclamation n’ayant pas été suivie d’effet, par exploit en date du 28 mars 2002, Madame AKA Bélinda donnait « assignation en référé aux fins de révision du loyer d’un bail » à PROSUMA pour comparaître devant le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan ; que celui-ci, sur la base de cette saisine, rendait l’Ordonnance de référé n°3840 du 31 juillet 2002 qui déboutait Madame AKA Bélinda de sa demande ; que par exploit en date du 07 février 2003, Madame AKA Bélinda relevait appel de l’ordonnance de référé précitée devant la Cour d’appel d’Abidjan, laquelle, par Arrêt avant-dire droit n°215 du 25 février 2003, déclarait recevable son appel et, sur le fond, rendait l’Arrêt confirmatif n°350 du 25 mars 2003, objet du présent pourvoi en cassation ;
Sur le deuxième moyen pris en sa première branche et le troisième moyen
Vu l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ;
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 84, alinéa 2, de l’Acte uniforme susvisé en ce que la Cour d’appel, en affirmant dans ses motifs que « le loyer du contrat de bail dont s’agit est révisable à l’expiration de chaque période triennale en tenant compte de l’indice prévu aux articles 29 et 34 de la loi 80-1069 du 13 septembre 1980 », fait siennes les dispositions de l’alinéa 2 dudit article en reconnaissant que le loyer des immeubles mis en location est révisable chaque trois ans, lesdites dispositions ayant en effet prévu que « le loyer est révisable dans les conditions fixées par les parties, ou à défaut, à l’expiration de chaque période triennale. » ; qu’ainsi, bien qu’ayant reconnu la justesse de la demande de la requérante et affirmé elle-même que le loyer est révisable chaque trois ans, la Cour d’appel n’a pas procédé à cette révision en fixant le nouveau montant ; qu’en statuant comme elle l’a fait, ladite Cour a violé les dispositions pertinentes et non équivoques de l’alinéa 2 de l’article 84 et la convention des parties ; qu’il est également reproché à l’arrêt attaqué un défaut de base légale résultant de l’absence, de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété des motifs, en ce que dans l’exposé de ceux-ci, la Cour d’appel, après avoir déclaré que « c’est à tort que l’appelante conteste l’ordonnance entreprise qui procède d’une saine application du droit », a affirmé « qu’il convient donc de rejeter son appel non fondé et de confirmer l’ordonnance entreprise en substituant aux motifs invoqués par le premier juge, les motifs ci-dessus. » ; qu’en se déterminant ainsi, l’arrêt attaqué a fait à la fois siennes les motifs de l’ordonnance entreprise, qu’il estimait pourtant avoir été parfaitement rendue, et les a rejetés dans le même temps pour leur substituer d’autres motifs ; qu’il est enfin reproché à l’arrêt attaqué une obscurité ou une insuffisance de motifs en ce qu’il apparaît incompréhensible que la Cour d’appel, qui a elle-même reconnu le caractère révisable du loyer chaque trois ans, ait pu déclarer non fondée la demande de révision dudit loyer de la requérante ; qu’il s’évince des griefs ci-dessus exposés que l’arrêt attaqué doit être cassé ;
Attendu que pour débouter la requérante de sa demande de révision de loyers, la Cour d’appel a relevé que « C’est à tort que l’appelante conteste l’ordonnance entreprise qui procède d’une saine application du droit…En effet, d’une part, s’agissant en l’espèce d’un bail à usage commercial, seules les dispositions de l’Acte uniforme portant droit commercial général sont applicables et non la loi 77-995 du 18 décembre 1977 réglementant les rapports entre bailleurs et locataires des locaux à usage d’habitation et à usage professionnel et son décret d’application n°79-715 du 02 octobre 1979… D’autre part, il résulte de l’examen du contrat de bail liant les parties que celui-ci stipule dans la rubrique « révision de loyer » que « le loyer ci-dessus spécifié sera révisable à l’expiration de chaque période triennale dans les conditions prescrites par la loi n°80-1069 du 13 septembre 1980 et selon les variations de l’indice prévu aux articles 29 et 34 de ladite loi concernant les loyers d’immeubles à usage commercial, industriel ou artisanal »…Ces stipulations ne sont nullement contraires aux dispositions de l’article 84 de l’Acte uniforme [précité] lesquelles prévoient que « les parties fixent librement le montant du loyer, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires applicables.
Le loyer est révisable dans les conditions fixées par les parties, ou à défaut, à l’expiration de chaque période triennale »…Il résulte de ce qui précède que le loyer du contrat de bail litigieux est révisable à l’expiration de chaque période triennale en tenant compte de l’indice prévu aux articles 29 et 34 de la loi n°80-1069 du 13 septembre 1980…Cette prescription, contrairement à l’opinion de l’appelante, est parfaitement légale en matière de bail commercial… » ;
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que les seules conventions dûment signées par les parties litigantes sont constituées des protocoles d’accord en dates des 29 décembre 1995 et 23 octobre 1996 qui fixent les modalités de révision du loyer des locaux, objet du bail ; que s’agissant du contrat de bail invoqué par la Cour d’appel et qui, selon celle-ci, contient des dispositions qui ne sont nullement contraires à celles de l’article 84 de l’Acte uniforme susvisé dès lors qu’il y est stipulé que « le loyer… sera révisable à l’expiration de chaque période triennale dans les conditions prescrites par la loi n°80-1069 du 13 septembre 1980 et selon les variations de l’indice prévu aux articles 29 et 34 de ladite loi concernant les loyers d’immeubles à usage commercial, industriel ou artisanal », ledit contrat notarié n’est ni daté, ni signé et enregistré alors même qu’il est de principe, à cet égard, que l’acte qui n’est point authentique par l’incompétence ou l’incapacité de l’officier, ou par un défaut de forme, vaut comme écriture privée, s’il a été signé des parties ; que tel n’étant pas le cas, ce contrat de bail ne revêt aucune valeur légale ; qu’il s’ensuit qu’en se fondant sur un tel contrat pour affirmer, d’une part, que « l’ordonnance entreprise procède d’une saine application du droit » en ce qu’elle avait débouté la requérante de sa demande de révision de loyer aux motifs que celle-ci ne pourrait être possible « qu’à partir de la 7ème année » conformément aux clauses des protocoles consensuels précités, et en retenant, d’autre part, que « …le loyer du contrat de bail litigieux est révisable à l’expiration de chaque période triennale en tenant compte de l’indice prévu aux articles 29 et 34 de la loi 80-1069 du 13 septembre 1980 », qui sont, selon elle, non contraires à l’article 84, alinéa 2, de l’Acte uniforme susvisé, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision et a, par ailleurs, soutenu à la fois et dans la même décision la primauté et l’effet obligatoire des conventions dûment signées par les parties, lesquelles, de ce fait, constituent leur loi et la révision de celles-ci dans les conditions fixées à l’article 84, alinéa 2, de l’Acte uniforme susvisé ; que ces deux motifs étant, à l’évidence, contradictoires et s’annulant nécessairement l’un l’autre, dès lors, l’arrêt attaqué doit également être considéré comme étant dépourvu de tout motif ; qu’il échet en conséquence de le casser et d’évoquer, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;
Sur l’évocation
Attendu que dans son « acte d’appel valant premières conclusions » en date du 10 février 2003, Madame AKA Bélinda sous la plume de son conseil demande l’infirmation de l’Ordonnance n°3840 rendue le 31 juillet 2000 par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan aux motifs que les loyers tels que fixés par PROSUMA frisent le dol ; qu’en effet, selon « les stipulations du contrat de bail », lesdits loyers, après trois ans, connaîtront une hausse de 25% à partir de la quatrième année, et une autre hausse de 25%, à partir de la septième année ; que ces stipulations sont contraires à l’article 7 du Décret 79-715 du 02 octobre 1979 fixant les modalités d’application de la Loi n°77-995 du 18 décembre 1977 réglementant les rapports des bailleurs et des locataires des locaux d’habitation aux termes duquel sont « interdites et réputées non écrites, toutes clauses de baux relatifs aux locaux énumérés à l’article 1er de la loi susvisée tendant à une variation automatique du loyer par paliers successifs ainsi que toutes clauses prévoyant une variation fondée sur des éléments n’ayant pas de relation directe avec le coût de la construction », d’où la nullité desdites stipulations ; qu’elle demande, après production au dossier d’une expertise qu’elle a commanditée, de fixer les nouveaux loyers, conformément aux indications de cette expertise à : 2.912.000 francs CFA pour le local super- marché dit ‘‘Super Hayat’’, 250.000 francs CFA pour chaque appartement de 4 pièces, 200.000 francs CFA pour chaque appartement de 3 pièces et 960.070 francs CFA pour les 589 m² de parking bitumés, soit au total, un montant de 4.772.070 francs CFA ;
Attendu que pour sa part, dans ses ‘‘conclusions d’intimée’’ en date du 14 février 2003, PROSUMA, sous la plume de ses conseils, fait valoir, ‘‘in limine litis’’, l’irrecevabilité de l’appel interjeté par Madame AKA Bélinda aux motifs, d’une part, que ledit appel a violé l’article 164, nouveau, du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative en omettant de préciser la date à laquelle l’ordonnance entreprise a été rendue ; que par conséquent, ledit appel est nul, de nullité absolue et emporte irrecevabilité ; que, d’autre part, dans son exploit du 07 février 2003 , l’appelante énonce « que conformément aux dispositions du Code de procédure civile, commerciale et administrative, le requis dispose d’un délai de huit jours à peine de forclusion… » pour se mettre en état et pour faire sa déclaration relative à la présentation d’explications orales ; qu’en ne précisant pas ce texte, alors que cette précision fait partie des mentions substantielles de l’acte d’appel en ce qu’elles protègent les droits de la défense, ledit acte est absolument nul et la voie de recours qu’il est censé contenir est irrecevable ; qu’enfin, aux termes de l’article 164, nouveau, du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative, l’acte d’appel doit contenir « l’indication de la juridiction qui a statué » ; qu’en l’espèce, il a été indiqué que c’est le Tribunal de première instance d’Abidjan qui a rendu l’Ordonnance entreprise n°3840/2002 en matière de référé alors que le Tribunal de première instance n’a pas vocation et compétence à rendre des ordonnances de référé, ce juge unique étant le Président du Tribunal ou le Juge délégué par celui-ci qui fait office de juridiction des référés soit d’heure à heure soit ordinaire ; qu’en se trompant de juridiction, cela signifie que l’appelante n’a pas indiqué la véritable juridiction qui a statué ; que cette méprise rend l’acte d’appel nul absolument et irrecevable le recours d’appel ;
Attendu que concluant subsidiairement au fond, l’intimée fait observer en substance, d’une part, que la présente procédure ne saurait avoir pour objet la dénonciation ou la nullité des protocoles d’accord liant à ce jour les parties ; que le premier protocole du 29 décembre 1995 a une durée de 09 ans et expire le 29 décembre 2004 alors que le second protocole du 23 octobre 1996 contient les modes d’augmentation du loyer jusqu’à la 7ème année, soit jusqu’en octobre 2003 ; que par principe un loyer ne pouvant être changé en cours de bail, la demande d’annulation de l’appelante relative aux clauses de variation successives de loyers contenues dans lesdits protocoles est une demande nouvelle qui, comme telle, n’est pas acceptable et recevable parce qu’elle heurte les dispositions de l’article 175 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative qui interdisent la formulation, pour la première fois en appel, d’une demande nouvelle ; que, d’autre part, sur la violation de l’article 7 du Décret 79-715 du 02 octobre 1979, au lieu d’invoquer celui-ci, l’appelante aurait dû plutôt s’arrêter aux termes de l’article 84 de l’Acte uniforme susvisé énonçant que « Le loyer est révisable dans les conditions fixées par les parties, ou à défaut à l’expiration de chaque période triennale. » ; qu’en l’espèce, les parties ont convenu des conditions et des taux de révision du loyer dans des protocoles dont la validité n’est pas contestée par l’appelante et qui ne sont pas arrivés à expiration ; qu’enfin, l’appelante ayant produit un rapport d’expertise immobilière commandé par ses seuls soins au cabinet CADEDEX et qui chiffre les nouveaux loyers qu’elle voudrait voir appliquer, non seulement le principe même de révision n’est pas possible, mais en outre, cette expertise n’est pas contradictoire et ne saurait donc être opposable à PROSUMA ; que c’est pourquoi, l’intimée demande de :
« In limine litis
- déclarer irrecevable l’appel de Mademoiselle AKA Bélinda pour nullité de l’acte d’appel ;
Subsidiairement au fond,
- dire que la demande en révision est inadmissible et inopportune dans son principe ;
- dire que la nullité des clauses de révision revient à solliciter la nullité des protocoles mêmes ;
- dire que cette nullité est, pour la première fois, demandée en appel et apparaît irrecevable comme telle conformément aux dispositions de l’article 175 du Code de procédure civile ;
- juger qu’un loyer ne peut être modifié en cours de bail ;
- consacrer l’application des protocoles en ce qu’ils contiennent des conditions de révision du loyer et en ce qu’ils sont encore en vigueur à ce jour ;
- débouter Mademoiselle AKA Bélinda de son appel mal fondé ;
- la condamner aux entiers dépens. » ;
Attendu que par conclusions en date du 24 février 2003, l’appelante, répliquant à l’argumentaire ci-dessus exposé de l’intimée, a notamment réaffirmé qu’une clause dont le caractère illégal et dolosif ne souffre d’aucun doute ne peut qu’être déclarée nulle et de nul effet ; que c’est le cas, en l’occurrence, des clauses contenues dans le contrat de bail et dans les protocoles d’accord, lesquelles sont nulles en application des dispositions d’ordre public de la Loi 77-995 du 18 décembre 1977 et de l’article 7 du Décret 79-715 du 02 octobre 1979 ; que cette demande d’annulation n’est ni plus ni moins qu’un complément de la demande originaire et respecte l’article 175 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative aux termes duquel « …ne peut être considérée comme demande nouvelle, la demande procédant directement de la demande originaire et tendant aux mêmes fins bien que se fondant sur des causes ou des motifs différents. » ; qu’il convient de rappeler par ailleurs que les dispositions de l’article 84 de l’Acte uniforme susvisé donnent liberté aux parties et en même temps obligation de respecter l’article 7 du Décret 79-715 du 02 octobre 1979 et cet article 84 donne droit aux parties de fixer les conditions de révision de leur bail, ladite révision devant se faire tous les trois ans ; que c’est dans ce cadre que l’appelante a produit une expertise ayant simplement pour but, selon elle, de compléter l’assignation et de mieux éclairer la Cour ; qu’il résulte de ce qui précède que le premier juge a médit le droit dans l’ordonnance, dont appel ; qu’il échet en conséquence de l’infirmer et, statuant à nouveau, faire droit aux demandes, fins et conclusions de l’appelante ;
Sur les exceptions soulevées par l’intimée relatives à la nullité de l’appel interjeté par Madame AKA Bélinda
Attendu que les erreurs, omissions ou non-respect d’une règle formelle de rédaction de l’acte d’appel relevés et dénoncés par l’intimée ne sont assortis d’aucune nullité, qu’elle soit absolue ou relative ; qu’en application des dispositions de l’alinéa 3 de l’article 123 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative aux termes desquelles « …la violation d’une règle de procédure n’entraîne la nullité de l’acte que s’il en résulte un préjudice pour la partie qui s’en prévaut », il y a lieu de rejeter les exceptions d’irrecevabilité de l’appel soulevées par l’intimée, celle-ci n’ayant pas prouvé le préjudice que lui auraient causé les irrégularités et vices qu’elle invoque notamment quant à savoir si ceux-ci l’ont empêché ou limité dans ses possibilités de défense ;
Sur la demande de l’appelante relative à l’annulation du bail
Attendu que l’appelante se fonde essentiellement sur les dispositions de la Loi 77-995 du 18 décembre 1977 règlementant les rapports des bailleurs et des locataires des locaux d’habitation ou à usage professionnel et sur le Décret n°79-715 du 02 octobre 1979 fixant les modalités d’application de ladite loi pour demander l’annulation du bail la liant à l’intimée ;
Mais attendu que l’article premier de la Loi 77-995 du 18 décembre 1977 précitée énonce que ses dispositions « sont applicables aux rapports entre bailleurs et locataires ou occupants des locaux appartenant aux catégories suivantes :
1° locaux à usage d’habitation ;
2° locaux à usage professionnel sans caractère commercial, industriel ou artisanal (…) ;
Attendu que s’agissant en l’espèce d’un bail commercial, au demeurant caractérisé comme tel par l’appelante elle-même qui invoque à cet égard l’article 84 de l’Acte uniforme susvisé lequel ne s’applique nécessairement aux termes de l’article 69 du même Acte uniforme qu’aux « baux portant sur des immeubles rentrant dans les catégories suivantes :
1° locaux ou immeubles à usage commercial, industriel, artisanal ou professionnel ;
2° locaux accessoires dépendant d’un local ou d’un immeuble à usage commercial, industriel, artisanal ou professionnel… ;
3° terrains nus sur lesquels ont été édifiés, avant ou après la conclusion du bail des constructions à usage industriel, commercial, artisanal ou professionnel, si ces constructions ont été élevées ou exploitées avec le consentement du propriétaire, ou à sa connaissance. », l’appelante ne saurait se prévaloir de la violation de la loi 77-995 précité et de son décret d’application pour demander l’annulation du bail ; qu’il y a lieu en conséquence de déclarer cette demande non fondée et de la rejeter ;
Sur la demande de l’appelante relative à la révision des loyers
Attendu qu’il est constant comme résultant des pièces du dossier de la procédure que les parties ont inséré dans les seuls protocoles d’accord dûment signés d’elles et en dates des 29 décembre 1995 et 23 octobre 1996 des stipulations relatives à la modification du loyer des locaux, objet du bail ;
Attendu qu’il est de principe, d’une part, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et, d’autre part, qu’il n’appartient pas aux tribunaux de compléter ni de modifier la clause de révision adoptée par les parties ; que dès lors, c’est à bon droit qu’en se fondant sur les stipulations des protocoles d’accord précités, le premier juge a débouté l’appelante de son action tendant à la révision de loyers ; qu’il y a lieu en conséquence, par adoption de ses motifs , de confirmer l’Ordonnance de référé n°3840/2002 entreprise et de débouter Madame AKA Bélinda de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Attendu que Madame AKA Bélinda ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette les exceptions d’irrecevabilité de l’appel soulevées par la Société Ivoirienne de Promotion des Supermarchés dite PROSUMA ;
Casse l’Arrêt n°699/03 rendu le 11 décembre 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Rejette comme étant non fondée la demande de Madame AKA Bélinda relative à l’annulation du bail ;
Dit qu’en application des protocoles d’accord en dates des 29 décembre 1995 et 23 octobre 1996, il n’y a pas lieu d’accueillir l’action de l’appelante tendant à la révision du loyer des locaux, objet du bail, et la déboute par suite de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Confirme en conséquence l’Ordonnance de référé n°3840/2002, dont appel, rendue le 31 juillet 2002 par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan ;
Condamne Madame AKA Bélinda aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier