ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience publique du 22 décembre 2005
Pourvoi : n°100/2004/PC du 15 septembre 2004
Affaire : SANY QUINCAILLERIE
(Conseils: Maîtres NGADJADOUM Josué et COULIBALY Tiémogo, Avocats à la Cour)
contre
SUBSAHARA SERVICES INC
(Conseils: Maîtres Karim FADIKA et Mahoua FADIKA-DELAFOSSE, Avocats à la Cour)
ARRET n° 064/2005 du 22 décembre 2005
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 22 décembre 2005 où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Biquezil NAMBAK, Juge, rapporteur
et Maître KEHI Colombe BINDE, Greffier ;
Sur le pourvoi en date du 09 septembre 2004 enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n° 100/2004/PC du 15 septembre 2004 et formé par Maître NGADJADOUM Josué, Avocat au Barreau du Tchad, BP 5554, N’Djaména (TCHAD), agissant au nom et pour le compte de SANY QUINCAILLERIE, Etablissement commercial, RCCM n°TC-NDJ- 076/98, siège social N’Djaména, Avenue Charles de Gaulle, B P 1192, prise en la personne de son promoteur AL HADJ SANI OUSMANE, commerçant, de nationalité tchadienne, dans une cause l’opposant à la Société SUBSAHARA SERVICES INC, ayant pour conseils Maîtres Karim FADIKA et Mahoua FADIKA-DELAFOSSE, Avocats à la Cour, Résidence les Harmonies, Rue Docteur Jamot, 01 BP 2297 Abidjan 01, en cassation de l’Arrêt n° 049 rendu le 07 mai 2004 par la Cour d’appel de N’Djaména et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile, commerciale et en dernier ressort ;
En la forme : Reçoit les appels des parties ;
Au fond : Confirme le jugement en ce qu’il a déclaré l’assignation de SANY QUINCAILLERIE recevable et l’infirme dans toutes les autres dispositions ;
Condamne SANY QUINCAILLERIE aux dépens liquidés à la somme de 12.493.970 francs » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à l’acte de pourvoi annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que depuis le début du projet pétrolier tchadien de DOBA en 2001, Subsahara Services inc adressait régulièrement d’importantes commandes de matériels, fournitures et équipements divers auprès de fournisseurs tchadiens, notamment l’Entreprise Sany Quincaillerie ; que Subsahara Services ayant refusé de prendre livraison des équipements et matériels relatifs à cinq appels d’offres que l’Entreprise Sany Quincaillerie tenait à sa disposition, cette dernière pratiquait le 07 février 2003 une saisie conservatoire à hauteur de 450 645 701 FCFA sur la créance de Subsahara Services entre les mains de la Société Générale Tchadienne de Banque (SGTB) ; que le 14 février 2003, Sany Quincaillerie dénonçait ladite saisie et en même temps assignait Subsahara Services devant le Tribunal civil de N’Djaména en paiement de la créance, objet de la saisie ; que par Jugement n°332 du 11 juin 2003, le tribunal condamnait Subsahara Services à payer à Sany Quincaillerie la somme de 410 655 701 FCFA en principal et 5 000 000 FCFA à titre de dommages et intérêts ; que les parties ayant relevé appel de cette décision, la Cour d’appel de N’Djaména, par Arrêt n°049 du 07 mai 2004 dont pourvoi, confirmait le jugement en ce qu’il a déclaré l’assignation de Sany Quincaillerie recevable et l’infirmait dans toutes ses autres dispositions ;
Sur le premier moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 207 alinéa 1er de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général en ce que la Cour d’appel de N’Djaména, pour statuer comme il a été indiqué ci-dessus, soutient que « les usages entre Subsahara et Sany Quincaillerie avaient été jusqu’alors de toujours considérer que les appels d’offres de Subsahara Services inc avaient la simple valeur d’un appel à provision de prix et appel étant suivi de différentes offres émanant de son fournisseur tchadien ; ce n’est que dans un 3ème temps que Subsahara désigne le fournisseur retenu » alors que, selon le moyen, les usages auxquels ont consenti Subsahara et Sany Quincaillerie ainsi que les habitudes qui se sont établies dans leurs relations commerciales pendant plus de deux ans, sont guidés par la rapidité et la confiance et basés sur la réquisition qui suffit à passer la commande dès réception et parfois même sans elle, Sany Quincaillerie a fait des livraisons à Subsahara qui ont été payées ;
Attendu que les articles 206 alinéa 1er et 207 alinéa 1er de l’Acte uniforme précité disposent respectivement « en matière de vente commerciale, la volonté et le comportement d’une partie doivent être interprétés selon l’intention de celle-ci, lorsque l’autre partie connaissait ou ne pouvait ignorer cette intention » et « les parties sont liées par les usages auxquels elles ont consenti et les habitudes qui se sont établies dans leurs relations commerciales » ;
Mais attendu qu’il n’est pas contesté que Subsahara Services inc a adressé un document intitulé ‘’appel d’offres’’ à Sany Quincaillerie et à plusieurs autres entreprises en se réservant le droit de « ne pas donner de suite ou de ne donner suite que partiellement à cet appel d’offres » ; qu’au regard des dispositions de l’article 206 alinéa 1er susénoncées, le juge ne peut se livrer à l’interprétation des usages et des habitudes en application de l’article 207 que si l’intention des parties n’est pas ou est mal exprimée ; qu’en l’espèce, de façon manifeste, Subsahara Services inc n’entendait pas être liée par la réponse à l’appel d’offres, d’autant que Sany Quincaillerie ne pouvait ignorer ces procédures d’appel d’offres dans le cadre desquelles elle s’était portée candidate à plusieurs reprises et avait ainsi remporté différents marchés ; qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Sur le second moyen
Attendu qu’il est également reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 210 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général en ce que la Cour d’appel de N’Djaména a, à tort, estimé que les offres ou réquisitions adressées à Sany Quincaillerie n’indiquent pas la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation alors que, selon le moyen, les réquisitions sont bien des propositions de conclure un contrat de vente adressées par Subsahara Services à Sany quincaillerie et désignant expressément la nature et la quantité des marchandises ; qu’en raisonnant ainsi, la Cour d’appel de N’Djaména a violé la loi par fausse application et sa décision mérite cassation ;
Attendu qu’aux termes de l’article 210 alinéa 1er de l’Acte uniforme précité « une proposition de conclure un contrat adressée à une ou plusieurs personnes déterminées constitue une offre si elle est suffisamment précise et si elle indique la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation » ;
Mais attendu, en l’espèce, que s’il est établi comme résultant de l’examen des pièces du dossier que la lettre d’appel d’offres de Subsahara Services inc est suffisamment précise du fait d’avoir désigné les marchandises, fixé la quantité et donné les indications permettant de déterminer le prix , elle n’indique pas en revanche la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation d’autant qu’il « se réserve le droit de ne pas donner suite ou de ne donner suite que partiellement à cet appel d’offre » ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel de N’Djaména a exactement appliqué la loi ; qu’il s’ensuit que ce second moyen également non fondé, doit être rejeté ;
Attendu que Sany Quincaillerie ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi formé par Sany Quincaillerie ;
La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier